Hal Finney, expert en cryptographie et destinataire de la première transaction en bitcoins, est mort le 28 août 2014, il y a dix ans aujourd’hui.
Connu pour ses contributions au développement de PGP, un logiciel de chiffrement et de déchiffrement cryptographique, Hal Finney avait, en 2004, travaillé sur une monnaie reposant sur une preuve de travail : le RPOW.
Fin 2008, il découvre Bitcoin sur la cryptography mailing list. Enthousiaste, il entre en contact avec Satoshi Nakamoto et l’aide quelque temps dans son projet.
Un an avant son décès, alors qu’il était déjà sérieusement affecté par la maladie de Charcot, Finney a témoigné des circonstances de cette rencontre sur le forum Bitcointalk :
« Je vais vous parler des quatre dernières années, une période riche en événements pour le Bitcoin et moi.
Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Hal Finney. J’ai débuté en crypto en travaillant sur une version antérieure de PGP, en étroite collaboration avec Phil Zimmermann. Lorsque Phil a décidé de lancer PGP Corporation, j’étais l’un des premiers employés. J’y ai travaillé jusqu’à ma retraite. A cette période j’ai rejoint les Cypherpunks. Entre autres activités, j’ai lancé le premier « remailer » anonyme basé sur la cryptographie.
Fin 2008 et la naissance du Bitcoin arrivent très vite. Je remarque alors que les anciens de la cryptographie (j’avais environ 50 ans) étaient tombés dans un certain cynisme. J’étais plus idéaliste pour ma part, j’ai toujours aimé la crypto, son mystère et son paradoxe.
Lorsque Satoshi a évoqué Bitcoin sur une liste de diffusion dédiée à la cryptographie, l’accueil fut pour le moins sceptique. Les cryptographes avaient vu trop de projets mirifiques portés par des amateurs inexpérimentés. Ils ont donc eu une réaction de rejet.
J’étais plus positif. Je m’intéressais depuis longtemps aux systèmes de paiement cryptographiques. De plus, j’ai eu la chance de rencontrer Wei Dai et Nick Szabo, bien connus pour avoir développé des concepts que Bitcoin mettra en pratique. J’avais déjà essayé de créer ma propre monnaie reposant sur une preuve de travail : le RPOW. J’ai donc trouvé Bitcoin fascinant.
Quand Satoshi a lancé la première version du logiciel, j’ai tout de suite saisi l’occasion. Il me semble que j’étais la première personne après Satoshi à utiliser le Bitcoin. J’ai extrait le bloc 70 et quelques et j’ai été bénéficiaire de la première transaction, Satoshi m’ayant envoyé dix bitcoins en guise de test. Nous avons correspondu par e-mail avec Satoshi les jours qui ont suivi, la plupart du temps pour discuter des bugs et les corriger.
Aujourd’hui, la véritable identité de Satoshi est devenue un mystère. Mais à l’époque, je pensais avoir affaire à un jeune homme d’origine japonaise très intelligent et sincère. J’ai eu la chance de connaître beaucoup de gens brillants au cours de ma vie, j’en connais donc les signes.
Après quelques jours, Bitcoin fonctionnait plutôt bien, alors je l’ai laissé tourner. C’étaient les jours où la difficulté était de 1, et vous pouviez trouver des blocs avec un simple processeur CPU, pas même un GPU. J’ai miné plusieurs blocs pendant quelques jours. Mais j’ai arrêté parce que cela faisait chauffer mon ordinateur, et le bruit du ventilateur me dérangeait. Rétrospectivement, j’aurais aimé que ça dure plus longtemps, mais d’un autre côté, j’ai été extraordinairement chanceux d’être là au début. C’est l’histoire du verre à moitié vide et à moitié plein.
Lorsque j’ai à nouveau entendu parler de Bitcoin, c’était fin 2010, et j’ai été surpris de constater que non seulement Bitcoin continuait de tourner, mais qu’il avait également une valeur monétaire. Je récupérai alors mon vieux portefeuille et fus soulagé de découvrir que mes bitcoins étaient toujours là. Comme le prix avait grimpé, j’ai transféré mes bitcoins dans un portefeuille hors ligne, et j’espère que ça vaudra quelque chose pour mes héritiers.
En parlant d’héritiers, j’ai eu une drôle de surprise en 2009, quand on m’a soudainement diagnostiqué avec une maladie mortelle. J’étais au meilleur de ma forme au début de l’année, j’avais perdu beaucoup de poids et courais de longues distances. J’ai fait plusieurs semi-marathons et je commençais à m’entraîner pour un marathon complet. Je courais jusqu’à plus de 20 miles et je pensais que j’étais prêt. C’est là que les choses ont mal tourné.
Mon corps a commencé à lâcher. Je parlais lentement, perdais de la force dans les mains et mes jambes mettaient du temps à récupérer. En août 2009, j’ai été diagnostiqué souffrant de la SLA [ndt : Maladie de Charcot], également appelée maladie de Lou Gehrig, en hommage au célèbre joueur de baseball.
La SLA est une maladie qui tue les « neurones moteurs », qui transmettent les signaux du cerveau aux muscles. D’abord elle affaiblit, puis la paralysie augmente graduellement. Elle est généralement mortelle au bout de 2 et 5 ans. Mes symptômes étaient légers au début et j’ai continué à travailler, mais la fatigue et les problèmes de voix m’ont forcé à prendre ma retraite au début de 2011. Depuis, la maladie a continué sa progression inexorable.
Aujourd’hui, je suis paralysé. Je suis nourri par un tube, et ma respiration est assistée par un autre tube. J’utilise l’ordinateur avec un système d’oculométrie. J’ai aussi un synthétiseur vocal, c’est ma voix maintenant. Je passe toute la journée dans mon fauteuil roulant électrique. J’ai conçu une interface en utilisant un Arduino qui permet d’ajuster la position de mon fauteuil avec mes yeux.
Il a fallu que je m’adapte mais ma vie n’est pas si épouvantable. Je peux toujours lire, écouter de la musique, regarder la télé et des films. J’ai récemment découvert que je peux même écrire du code. C’est très lent, probablement 50 fois plus lent qu’avant, mais j’aime toujours la programmation et ça me donne des objectifs. Actuellement, je travaille sur quelque chose que Mike Hearn a suggéré : utiliser les fonctionnalités de sécurité des processeurs modernes pour renforcer les portefeuilles Bitcoin. C’est presque prêt à sortir. Je dois juste produire la documentation.
Bien sûr, les fluctuations de prix des bitcoins me plaisent. J’ai toujours des billes en jeu mais j’ai connu Bitcoin par chance, et j’ai très peu de mérite. J’ai vécu le crash de 2011 et je connais tout ça. On gagne vite, on perd vite également.
Voilà mon histoire. Je suis assez chanceux dans l’ensemble. Même avec la SLA, ma vie est très satisfaisante. Mais mon espérance de vie est limitée. Les discussions sur Bitcoin n’ont plus pour moi qu’un intérêt académique. Mes bitcoins sont stockés en lieu sûr et mon fils et ma fille sont des experts en technologie. Je ne me fais pas de souci pour mon héritage. »
Source : bitcointalk.org
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