La poste, l’édition, les médias, l’industrie musicale, les agences immobilières et aujourd’hui la banque… En supprimant les tiers pour connecter directement les individus les uns aux autres, les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont brisé, non sans douleur, bien des monopoles établis. Le développement et la démocratisation d’internet, du début des années 90 à nos jours, a en effet favorisé l’émergence d’une série de technologies qui rendent facultatifs de nombreux intermédiaires.
La force est toujours à l’oeuvre et toute tentative pour freiner légalement (et localement) le cours des choses semble vouée à l’échec.
Avec Hadopi, l’industrie musicale a cru un moment qu’elle pourrait imposer son modèle, arrêter la marche en avant et continuer à vendre à prix d’or, pour le bénéfice d’une toute petite minorité, ses galettes en plastique d’un autre âge… qu’elle repose en paix. A l’heure du numérique plus besoin de tiers pour créer et diffuser de la musique, chacun a sa chance, tous les talents peuvent s’exprimer [1].
En reliant l’offre à la demande Leboncoin ou Airbnb rendent inutile une partie du travail des agents immobilier et peuvent épargner aux particuliers des dépenses superflues [2].
L’édition, surtout la presse, est aussi touchée de plein fouet. Wikipédia rend tout projet encyclopédique fermé complètement dérisoire et, avec les réseaux sociaux, l’information passe du témoin direct à l’internaute sans le moindre média, avec les dérives que l’on sait.
Aujourd’hui, avec Bitcoin, tout le monde peut réaliser des transactions sur internet (ou ailleurs) sans passer par un tiers bancaire, sans même utiliser aucune monnaie officielle. Est-ce que demain des certificats de propriété inscrits dans la blockchain de Bitcoin se substitueront au travail des notaires ? Ce n’est pas sûr, mais ce n’est pas totalement impossible. Quoi qu’il en soit, si j’étais notaire, je m’intéresserais de très près à ces technologies afin de pouvoir, sait-on jamais, les exploiter utilement dans le cadre de mes activités.
Les acteurs d’hier ont en effet un rôle à jouer pour peu qu’ils parviennent à négocier le virage. Les intermédiaires ne sont pas inutiles quand ils apportent garantie, sécurité et/ou expertise. Les réseaux sociaux n’ont pas remplacé et ne remplaceront jamais les journalistes, et si le courrier papier est sans doute appelé à disparaître, la Poste saura compenser cette perte par l’accroissement du nombre de colis que provoque le développement de la vente en ligne [3].
De la même manière les banques n’auraient rien à craindre de Bitcoin si elles décidaient, plutôt que de le combattre, de l’utiliser et d’en faire un outil utile au plus grand nombre.
[1] Il n’est d’ailleurs pas étonnant que les créateurs de Jamendo, plateforme de musique libre, se soient récemment lancés dans l’aventure Bitcoin avec le portefeuille Yallet.
[2] Avec un gros bémol tout de même : la création d’acteurs hyper-centralisés qu’il serait sain « d’ubériser » à leur tour.
[3] A lire, à propos de Poste et de Bitcoin, le texte de Jacques Favier (La Voie du Bitcoin).