Alexis Collomb, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers et Klara Sok, chercheuse et doctorante au Cnam où elle mène une thèse sur Bitcoin, viennent de publier une étude intitulée « Blockchain et autres registres distribués : quel avenir pour les marchés financiers ? ». On saluera à la fois la richesse de la publication et l’effort de clarté des rédacteurs qui distinguent au passage la « Blockchain » avec un B majuscule pour la base de données distribuée du protocole Bitcoin et la « blockchain » minuscule pour tous les autres cas.
Extrait de l’étude de Klara Sok et Alexis Collomb
« Les fondements du protocole Bitcoin et de sa crypto-monnaie ont vu le jour en 2008 dans un livre blanc intitulé Bitcoin : A Peer-to-Peer Electronic Cash System envoyé à une liste de diffusion de cryptographie par un certain Satoshi Nakamoto. La première transaction bitcoin a été réalisée peu de temps après, en janvier 2009 sur la Blockchain, une base de données organisée sous forme de chaîne de blocs d’information, distribuée au sein d’un réseau pair-à-pair. Aujourd’hui, plus de sept ans après cette première transaction, la Blockchain est devenue un sujet très médiatique et de nombreux articles et publications traitent du Bitcoin et de son avatar générique, désormais communément appelé la technologie des registres distribués ou Distributed Ledger Technology (DLT).
Si l’on regarde les couvertures de presse consacrées au Bitcoin et à la Blockchain au cours des six derniers mois, nous pourrions être tentés de dire qu’il ne s’agit là que d’une simple mode passagère, manifestation de l’instinct grégaire des esprits animaux de Keynes, ou d’un fonctionnement mimétique à la Girard. Face à cette frénésie, certains économistes de renom ont même déclaré que le Bitcoin/la Blockchain constituaient “le parfait exemple d’une bulle”. Et pourtant, si l’on s’en tient aux faits, on constate que le Bitcoin et ses émules se sont montrés plutôt résilients et continuent à susciter l’intérêt et les investissements. Et sans nous risquer à prévoir l’avenir du Bitcoin et des autres crypto-monnaies, nous pensons que celui-ci s’annonce bien plus prometteur que certains ne voudraient le croire.
Il est aujourd’hui clair que les concepts qui constituent les fondements du Bitcoin et de son registre distribué sous-jacent, appelé la Blockchain, incitent de nombreuses institutions à porter un regard critique sur leurs systèmes d’information et leurs processus de gestion, voire à les repenser. Et le secteur financier en particulier, qui gère un volume important de paiements et de transactions multiformes, porte une attention soutenue à la question de savoir comment utiliser la DLT pour améliorer ou optimiser l’infrastructure des marchés financiers et des capitaux.
Dans ce rapport, nous tenterons de résumer les principales questions et enjeux concernant les registres distribués de données, et nous explorerons comment la DLT pourrait être intégrée à l’infrastructure des marchés financiers, notamment au niveau post-marché. Notre approche sera nécessairement non-exhaustive et pluridisciplinaire, avec une certaine dose d’anticipations prospectives. Nous ne prétendons pas, bien entendu, avoir fait le tour du sujet : il est bien trop vaste et complexe, et la vague de transformation qu’il a déclenchée trop rapide pour qu’un rapport se voulant général et synthétique comme celui-ci suffise. Mais notre travail de recherche nous a convaincus que la puissance perturbatrice du Bitcoin et de la Blockchain est bien réelle. Nous espérons que ce rapport constituera une synthèse utile pour les fournisseurs d’infrastructure de marché, et tous ceux qui réfléchissent actuellement aux risques et opportunités que pourrait représenter cette technologie pour leurs secteurs d’activité respectifs.
Dans la première moitié de ce rapport, nous proposerons une brève histoire des crypto-monnaies et un résumé des caractéristiques clés du protocole Bitcoin et de sa base de données distribuée, la Blockchain. Nous évoquerons ensuite quelques-unes des questions techniques qui ont récemment divisé la communauté Bitcoin, avant de présenter une typologie des registres distribués, nécessaire pour comprendre les différents domaines d’application possibles de la DLT. Puis, nous aborderons les aspects de fiabilité et de sécurité des registres distribués, un sujet qui a suscité inquiétude et scepticisme par le passé, et qui reste clairement une question centrale pour l’industrie financière.
Dans la deuxième moitié du rapport, nous détaillerons quelques-unes des principales applications potentielles de la DLT, en particulier pour le secteur financier. Nous regarderons ensuite comment le marché financier pourrait intégrer la DLT dans l’infrastructure post-marché. Et nous terminerons en présentant quelques exemples concrets de mise en œuvre de cette technologie, ainsi qu’un ensemble de réflexions et de recommandations sur le sujet. »
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