Depuis sa création en 2009, Bitcoin suscite débats passionnés. Pour certains, il s’agit d’une tentative utopique d’émancipation du pouvoir étatique, inspirée par une philosophie libertarienne radicale. Pour d’autres, c’est une réponse pragmatique à un système monétaire mondial jugé défaillant. Ces deux perspectives, souvent opposées, méritent d’être confrontées pour mieux comprendre les enjeux et les limites de cette révolution monétaire.
La critique économique de Bitcoin
David Cayla, dans ses dernières contributions, perçoit Bitcoin comme une tentative de réaliser une « utopie libertarienne ». Selon lui, les inventeurs des cryptomonnaies cherchent à créer une monnaie détachée de l’État et des rapports sociaux traditionnels, en s’inspirant de l’école autrichienne d’économie. Cette école, incarnée par des penseurs comme Friedrich Hayek, prône une monnaie privée et indépendante de l’intervention politique.
Cayla reproche à Bitcoin de nier la dimension intrinsèquement sociale et politique de la monnaie. Pour lui, toute monnaie repose sur la confiance collective et la régulation étatique. En rendant la monnaie exogène et dénuée de dette, Bitcoin chercherait à éviter les interactions sociales au profit d’une logique purement individuelle. Selon cette analyse, Bitcoin serait une illusion, incapable de remplacer les monnaies traditionnelles qui sont des « biens publics » soutenus par des institutions.
Cependant, cette critique semble minimiser la légitimité des motivations derrière Bitcoin. La crise financière de 2008, marquée par des abus systémiques et des sauvetages bancaires controversés, a largement érodé la confiance dans les systèmes monétaires centralisés. Bitcoin n’est pas qu’une réaction idéologique : c’est une tentative de créer un système monétaire transparent, immuable et résistant aux manipulations.
La perspective maximaliste
Pour les bitcoiners, Bitcoin n’est pas une utopie mais une réponse pragmatique à un problème réel : la centralisation excessive et les défaillances des monnaies fiat. Contrairement à ce que Cayla affirme, Bitcoin ne cherche pas à nier la société, mais à protéger les individus de la coercition étatique. En déplaçant la confiance des institutions vers un protocole neutre et transparent, Bitcoin redéfinit les bases des échanges monétaires.
L’accusation selon laquelle Bitcoin serait « asocial » ignore son écosystème communautaire mondial. Les bitcoiners collaborent activement à l’amélioration du réseau, organisent des événements éducatifs et développent des outils inclusifs. Bitcoin n’est pas un rejet des rapports sociaux, mais une tentative de les reconstruire sur des bases plus justes et transparentes.
Un maximaliste insisterait également sur l’émergence historique de la monnaie. Contrairement à l’idée que l’État aurait toujours créé la monnaie, de nombreux exemples montrent que celle-ci émergeait souvent du marché, avant d’être capturée par les gouvernements pour financer des guerres ou imposer des monopoles. Bitcoin réintroduit une monnaie à l’abri des manipulations politiques, similaire aux systèmes basés sur l’or, mais en mieux : numérique, immuable et accessible.
Utopie contre réalité
Si Cayla critique l’absence de dette dans Bitcoin, Nous y voyons une vertu. La « monnaie-dette » actuelle repose sur un système de création monétaire inflationniste qui favorise les inégalités et l’érosion du pouvoir d’achat. En limitant son offre à 21 millions d’unités, Bitcoin offre une alternative saine et prévisible, loin des politiques monétaires arbitraires.
Cependant, les maximalistes ne nient pas que Bitcoin ait encore des défis à relever. La volatilité de sa valeur, sa complexité technique pour les nouveaux utilisateurs, et les tensions entre réglementation et liberté individuelle sont des questions ouvertes. Mais pour autant, ces épreuves ne remettent pas en cause sa pertinence. Au contraire, elles illustrent l’importance de réfléchir à des modèles alternatifs.
Conclusion : un débat essentiel
Bitcoin n’est pas une utopie libertarienne, mais une révolution monétaire sans précédent. Les critiques de Cayla, bien qu’intellectuellement stimulantes, manquent de saisir l’essence de Bitcoin : une monnaie qui libère les individus des abus systémiques des États et des institutions centralisées. Loin de simplement avoir un « potentiel », Bitcoin est déjà en train de redéfinir les rapports entre la monnaie, la société et la liberté. Bitcoin offre une expérience unique : celle d’une monnaie mondiale, neutre et décentralisée, qui redonne le pouvoir aux individus. Que l’on soit sceptique ou enthousiaste, il est clair que Bitcoin oblige à repenser les rapports entre monnaie, société et État.
En fin de compte, le débat sur Bitcoin n’est pas seulement une querelle sur sa légitimité, mais une interrogation sur la manière dont il redessine les rapports sociaux et sociétaux autour de la monnaie. En rendant le pouvoir monétaire à chaque individu, Bitcoin propose un modèle où les interactions économiques peuvent être réalisées sans coercition, renforçant ainsi la confiance mutuelle et les communautés globales. Cette discussion, loin d’être close, ne fait que commencer.
A propos de l’auteur
Organisateur de la conférence B-Only, Copinmalin a créé le meetup @AnnecyBitcoin. Il est également cofondateur de l’association AlpinChain et contribue aux traductions de Bitcoin Optech.