Relayée par Contrepoint, la dernière chronique de H16 revient sur les enjeux de l’augmentation de la taille minimale des blocs de transaction [1] et fustige au passage l’attitude alarmiste et consternante des médias qui présentent bien souvent ce moment de « démocratie numérique » comme l’échec de Bitcoin et des monnaies décentralisées.
Quelques extraits de cette chronique :
« La monnaie cryptographique est en effet en pleine évolution actuellement, évolution qui tient à la fois à son gain progressif de notoriété, et à l’augmentation logique du nombre de transactions effectuées avec cette monnaie. […] Ainsi, on a observé des pics à plus de 200.000 transactions par jour en mi-juillet, ce qui montre bien l’intérêt croissant de la monnaie numérique, mais entraîne un effet de bord indésirable, rançon du succès : on arrive, doucement mais sûrement, aux limites permises par l’actuel protocole Bitcoin.
Sans rentrer dans les détails techniques, il faut en effet savoir que dans le réseau Bitcoin, les transactions sont regroupées en bloc dont la taille ne peut, pour le moment, dépasser 1 million d’octets. Ceci limite intrinsèquement le nombre de transactions que le réseau est capable de traiter par unité de temps ; il est communément admis qu’avec la taille actuelle d’un bloc, on ne pourra pas dépasser 7 transactions à la seconde, la réalité observée étant qu’on plafonne actuellement, dans le meilleur des cas, plutôt autour de 3. En somme, si l’on veut dépasser cette limite, il va falloir agrandir les blocs […].
Concrètement, cela signifie un changement de protocole, ce qui veut dire une mise à jour, à plus ou moins court terme, de tous les clients Bitcoin, ainsi que de tous les « nœuds » du réseau pair-à-pair, ces nœuds étant ces ordinateurs qui aident à propager l’ensemble des transactions enregistrées publiquement. Par sa nature décentralisée, tout changement dans le protocole Bitcoin introduit donc un état intermédiaire où certains nœuds disposent du nouveau protocole, et d’autres qui fonctionnent toujours avec l’ancien. Si on peut assez facilement s’assurer que les nouveaux nœuds sont capables de traiter l’ancien protocole (par « compatibilité ascendante »), les anciens ne sont pas, par construction, capables de lire le nouveau protocole.
Un risque existe donc de voir arriver sur le réseau des blocs de transactions de protocoles différents. Or, par nature, pour faire partie du livre des transactions, les blocs doivent être validés. On peut donc se retrouver dans la situation où deux séries de blocs concurrents sont validés l’une par des nœuds utilisant un protocole traditionnel, l’autre par les nœuds du nouveau protocole, ce qui s’appelle un fork (embranchement, ici).
Et si ce n’est pas la première fois qu’on peut noter l’apparition d’un bloc validé par un petit nombre de nœuds avant le rejet par la majorité du reste du réseau bitcoin (de telles occurrences arrivent, pour un bloc unique, plusieurs fois par mois), c’est la première fois qu’il est demandé à chaque nœud (et chaque individu derrière) de choisir explicitement entre le protocole courant (Bitcoin Core) et le nouveau protocole (Bitcoin XT), le consensus n’ayant pu être atteint au sein de la communauté des développeurs.
Autrement dit […] nous assistons à une phase de « démocratie numérique » en grandeur réelle, dans laquelle les acteurs mêmes du protocole et du réseau décideront de son avenir, en fonction directe de leur propre implication […] ».
Article disponible dans son intégralité sur h16free.com et contrepoints.org.
[1] Dans le réseau Bitcoin un bloc est un ensemble de transactions pour lesquelles une preuve de travail a été réalisée. Les blocs sont diffusés à travers le réseau et forment une chaîne ordonnée. Un nouveau bloc est créé en moyenne toutes les dix minutes. Actuellement les blocs sont limités à 1Mo ce qui, avec l’augmentation du nombre de transactions, sera bientôt insuffisant. Si le protocole n’évolue pas, les utilisateurs seront mis en concurrence sur le montant des frais de transaction.