Bitcoin et Banques centrales, BrettonWood 2.0 ou crypto-executive order 6102 ?

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Dans sa théorie du Roi Dragon [1-4] Didier Sornette modélise les crises économiques et les politiques monétaires comme des phénomènes dans lesquels le système décrit est dans un état de tension croissante, jusqu’à ce qu’un petit événement déclenche une réaction en chaîne, générant une catastrophe disproportionnée. Ainsi, les les crises économiques et les politiques monétaires sont comparées à des avalanches, des tremblements de terre ou des tsunamis.

La théorie du Rois Dragon modélise les assouplissements quantitatifs (quantitative easing) comme une réponse des banques centrales aux crises économiques et donc l’augmentation de la masse monétaire comme un phénomène prévisible. Pouvoir prédire les crises puis les assouplissements quantitatifs en résultant permettrait de spéculer de manière plus efficace sur les marchés.

Cette théorie du Roi Dragon est mise en parallèle avec celle des Cygnes Noirs popularisée par Nassim Taleb [5-6] dans le sens où elle en est diamétralement opposée, dans la pratique c’est la théorie des Cygnes Noirs qui a été la plus popularisée.

En 2025, les banques centrales sont-elles des « Rois Dragons » qui augmenteront la masse monétaire à coups d’assouplissement quantitatifs à la prochaine crise ou est-ce qu’un « Cygne Noir » changera leurs comportements vis-à-vis de Bitcoin ?

Baisse de barrière à l’entrée et décentralisation

Dans son ouvrage « le second XXe siècle » Jean-Jacques Rosa [7] défend la thèse selon laquelle les technologies de l’information (l’imprimerie de Gutenberg, internet) favorisent la décentralisation des sociétés. L’argument principal est que les technologies de l’information font baisser des barrières à l’entrée dans certains domaines (l’accès aux livres ou à l’information en général) et permettent la formation de structures de productions plus petites.

Bitcoin et les crypto-actifs font baisser radicalement les barrières à l’entrée pour détenir pleinement un actif déflationniste, il suffit de connaître 12 à 25 mots et d’avoir accès à internet. Ainsi, en théorie, les tiers de confiance (banques, notaires, courtiers…) devraient disparaître au profit d’une forme encore plus décentralisée de gestion d’actifs.

Si l’on ajoute à cela le fait que les politiques monétaires de Bitcoin et de certains crypto-actifs sont automatisés, mais alors à quoi servent encore les banques centrales ?

Crypto- executive order 6102

Le 5 avril 1933 Franklin Roosevelt signe l’ordre exécutif 6102 [8] permettant la réquisition de l’or (pièces, lingots…) des citoyens américains par l’État. Dans la pratique, c’est principalement l’or détenu auprès de tiers de confiance (coffre de banques) qui a été réquisitionné et non l’or détenu en propre.

Si crypto-executive order 6102 il y a, les principales cibles seront les plateformes d’échanges KYC centralisés (Coinbase, Binance, Paymium…). En effet, ce sont les équivalents des tiers de confiance qui servent de coffre à bitcoins ou crypto-actifs.

Un autre risque est que l’État à partir des informations des plateformes d’échanges KYC centralisés sur les achats de bitcoin KYC et le traçage des transactions (par Chainalysis) puisse savoir approximativement combien de bitcoins possèdent les gens et les taxer massivement, d’où l’intérêt des plateformes non-KYC ou des échanges en P2P (cash contre bitcoin). Cela dit, il n’est pas rare de perdre ses bitcoins dans un accident de bateaux…

Bretton Woods 2.0

L’accord de Bretton Woods de 1944 mettant en place le système Bretton Woods, c’est-à-dire la mise en place de l’étalon or, de taux de changes fixes entre les monnaies et la création d’institutions transnationales tels que le FMI ou la BIRD.

L’accord de Jamaïque de 1976 mettant fin au système Bretton Woods est le moment où le dollar devient la monnaie hégémonique du monde et où l’or perd son rôle central d’étalon de valeur.

Donc lorsque l’on parle de Bretton Woods, de quoi parle-t-on ?

Dans une vidéo de Grand Angle Bitcoin [9] Richard Detente parle pour l’année 2025 de Bretton Woods 2.0, car les stable coin sont de plus en plus intégrés dans les structures de paiement classiques et parce que les acteurs institutionnels veulent tokeniser de plus en plus les actifs de la finance traditionnelle. Il est plus question ici de mises à niveau technologique d’une infrastructure que de Bretton Woods 2.0.

Dans une conférence finance de Georges Castel [10], il est question d’un Bretton Woods en 2026 visant à encadrer (réguler) massivement le Bitcoin par les États…

Un « vrai » Bretton Woods 2.0 serait que Bitcoin devienne un étalon de valeur mondiale et une réserve de valeur pour les banques centrales.

Conclusion

Que feront les banques centrales ? Seront-elles prévisibles et vont-elles continuer à imprimer de l’argent pour couvrir les crises ou vont-elles disrupter et se mettre au standard Bitcoin ?

D’autant qu’en théorie avec Bitcoin et les crypto-actifs nous avons de moins en moins besoin de banques commerciales ou centrales…

Dans l’histoire l’ordre exécutif 6102 a précédé Bretton wood, or il semble aujourd’hui que le Bretton wood 2.0 précède un éventuel crypto-executive order 6102. Il y a fort à parier que pour un éventuel crypto-executive order 6102 les scenarios diffèrent radicalement selon les pays. Pour la France, par exemple, il n’est pas impossible que l’état se contente d’utiliser les informations des plateformes d’échanges KYC centralisées pour connaître approximativement le nombre de bitcoins de ses citoyens pour les taxer chaque année.

Enfin pour un « vrai » Bretton Woods 2.0, il faudrait que Bitcoin devienne un étalon de valeur mondiale et une réserve de valeur pour les banques centrales du monde entier, ce qui n’est pas d’actualité…

Références :
[1] https://arxiv.org/pdf/0907.4290
[2] https://encyclopedia.pub/entry/30734
[3] https://www.youtube.com/watch?v=FlTSbzOvKZI
[4] https://en.wikipedia.org/wiki/Dragon_king_theory#cite_note-SorCau2014Perpetual-18
[5] https://en.wikipedia.org/wiki/Black_swan_theory
[6] https://www.youtube.com/watch?v=vuvbghZuM8U
[7] Le second XXe siècle, Jean-Jacques Rosa.
[8] https://en.wikipedia.org/wiki/Executive_Order_6102
[9] https://www.youtube.com/watch?v=IXjsLtf836U
[10] https://www.youtube.com/watch?v=x24y9scWuj0


A propos de l’auteur

Thomas Mang, ancien doctorant au CEA de Grenoble, est ingénieur en Photonique depuis 2017. Passionné par les technologies du numérique (l’impression 3D, Bitcoin), il s’y intéresse non pas à travers le prisme des « sciences dures » mais par les sciences humaines : l’histoire ou l’anthropologie.

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