Bitcoin : démantèlement d’une plateforme française

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Une place de change de bitcoins a été fermée la semaine dernière par les gendarmes de Midi-Pyrénées. 388 bitcoins euros ont été saisis et deux personnes ont été mises en examen et placées sous contrôle judiciaire. Il s’agit de la plateforme bestxchanger.com, dont la page d’accueil affiche actuellement un message de maintenance.

L’administrateur de la plateforme, qui reconnait son activité mais conteste son caractère illégal, s’est exprimé dans un premier temps sur le forum. Il envisage son procès et en souligne les enjeux :

« […] ce procès va déterminer l’avenir de tous. Il est probable que même vendre des bitcoins à titre habituel sur Localbitcoins soit soumis à l’obligation d’obtenir le statut d’établissement de paiement ».

Son audition, prévue initialement le 24 juillet, a été repoussée en octobre à la demande de la défense.


Extrait de la Gazette Ariègeoise qui détaille cette affaire :

« Le point de départ, c’est cet Ariégeois qui, professionnellement, est très au fait des questions de sécurité informatique, et qui participe aux différentes instances plus ou moins informelles de « veille numérique » en Midi-Pyrénées. Lui remarque, en début d’année, qu’il lui est possible d’acheter « de façon aisée et totalement anonyme », sur une plateforme francophone, des bitcoins. […]

En janvier 2014, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, l’organe de supervision de la banque et de l’assurance) indiquait avoir adopté une position précisant que « dans le cadre d’une opération d’achat/vente de bitcoins contre une monnaie ayant cours légal, l’activité d’intermédiation consistant à recevoir des fonds de l’acheteur de Bitcoins pour les transférer au vendeur de Bitcoins relève de la fourniture de services de paiement », et implique à ce titre « de disposer d’un agrément de prestataire de services de paiement délivré par l’ACPR ».

Agrément dont ne disposerait pas la plateforme sur laquelle s’est rendu l’Ariégeois évoqué plus haut – lequel va signaler son existence aux autorités. Celles-ci vont vite répondre : « on voulait s’intéresser aux bitcoins », relève le chef d’escadron Bertron, commandant en second de la Section de recherches toulousaine de la gendarmerie – le procureur de la République Olivier Caracotch soulignant que le Service d’Information de Renseignement et d’Analyse Stratégique sur la Criminalité Organisée (SIRASCO) avait pointé le bitcoin « comme un enjeu dans la lutte contre le blanchiment d’avoirs criminels ».

Sur commission rogatoire de la juge d’instruction fuxéenne Catherine Ostengo, les investigations, écoutes… démarraient en avril, pour déboucher le 2 juillet sur l’interpellation de deux hommes sur la Côte d’Azur – dans le même temps, par une commission rogatoire internationale, le domicile bruxellois de l’un d’eux était perquisitionné. Le premier individu, ressortissant tunisien de 27 ans, est l’administrateur du site Internet, la plateforme d’échange de bitcoins. Il vient d’être mis en examen pour « travail dissimulé, exercice illégal de la profession de banquier, blanchiment à titre habituel » – ainsi que pour « offre illégale de jeux en ligne », puisqu’il s’apprêtait à ouvrir au public un casino virtuel fonctionnant uniquement avec des monnaies virtuelles. Le second, citoyen français de 36 ans, est le fournisseur en bitcoins du premier. Lui aussi est mis en examen, pour les seuls motifs de « travail dissimulé, exercice illégal de la profession de banquier ». Le duo a été laissé libre sous contrôle judiciaire. Le site Internet, hébergé sur un serveur étranger, a toutefois été mis « en maintenance » par son animateur et est actuellement inaccessible, au grand dam sans doute de ses habitués : la plateforme avait semble-t-il acquis une certaine réputation, par la rapidité de ses réponses entre autres. 2750 transactions en huit mois ont été comptabilisées par les enquêteurs, pour un montant global d’environ un million d’euros échangés par son intermédiaire. […]

Dans l’affaire du moment, « les deux mis en examen reconnaissent la matérialité des faits, mais contestent avoir commis des infractions », précise l’adjudant Reveillac, membre du groupe cybercriminalité de la SR de Toulouse et directeur de cette enquête ; « le juge d’instruction aura à déterminer dans quel cadre légal leur activité aurait pu être opérée », ajoute M. Caracotch […] ». 

Source : gazette-ariegeoise.fr


Extrait du Journal du net :

« Janvier 2014. [Un] spécialiste en matière de tests de pénétration informatique s’étonne d’avoir facilement trouvé sur le Net un site permettant d’acheter et échanger des bitcoins sans avoir à révéler son identité. Le taux de commission proposé particulièrement élevé, entre 40 % et 50 %, semblant précisément cibler les détenteurs de sommes obtenues illégalement à la recherche de solutions de blanchiment. « Le bitcoin n’est pas illégal en soi, martèle l’adjudant Patrice Reveillac, le directeur de l’enquête à la Section de recherches à Toulouse. Ici c’est bien l’exercice illégal d’opérations de banque qui lui est reproché ». Entre autres griefs, car viennent s’ajouter les incriminations de travail dissimulé, d’exercice illégal de la profession de banquier, de blanchiment à titre habituel et d’offres illégales de jeux en ligne.

Pour tester le site, le cadre se risque à acheter quelques bitcoins en se connectant à partir de son domicile en Ariège, ce qui explique que c’est une commission rogatoire d’une juge d’instruction de Foix qui va permettre les interpellations intervenues les 2 et 3 juillet 2014.

Il aura fallu moins de six mois à l’adjudant Patrice Reveillac pour reconstituer l’intégralité des quelque 2750 transactions survenues entre novembre 2013 et fin juin 2014 sur la plateforme. « L’administrateur du site n’a utilisé qu’une seule adresse bitcoins pour effectuer toutes ses opérations, explique-t-il. C’est avant tout un homme d’affaires qui souhaitait prospérer sur un créneau porteur plutôt qu’un connaisseur de l’informatique ». Au cours de leur enquête, le gendarme trouve ainsi la trace de commandes faites à des free-lances sur des sites qui commercialisent les compétences de prestataires indépendants : créations de site, de logo, de bases de données…. Au total il fera appel, en les rémunérant à chaque fois rubis sur l’ongle, à une soixantaine de free-lances situés aux quatre coins de la planète (Chine, Pakistan…).

Idem pour l’élaboration de son casino en ligne réservé aux bitcoins, qu’il s’apprêtait à mettre en ligne. Parmi ses dernières dépenses ? La commande d’un logiciel qui lui permettait d’intégrer automatiquement le cours quotidien du bitcoin sur son site.

« Ce jeune homme de 27 ans, de nationalité tunisienne, séjournait fréquemment en France où il a passé une grande partie de sa jeunesse et fait ses études, raconte l’adjudant. Mais il avait déjà été condamné par le passé pour escroquerie à la carte bancaire (« skimming ») ». Il a été d’autant plus surpris de se faire arrêter qu’il prenait soin d’acheter ses bitcoins avec des espèces en rencontrant physiquement ses vendeurs. Utilisateur du site Localbitcoins qui propose de procéder à des transactions « près de chez soi », il utilisait ensuite des messages codés lors de ses échanges téléphoniques pour établir le contact avec ses interlocuteurs et organiser ses rendez-vous.

Dans les deux mois qui ont précédé son arrestation il n’a acheté ses bitcoins qu’à une seule personne, installée dans la région cannoise. C’est ainsi que lors du coup de filet les gendarmes sont intervenus simultanément à Cannes, Toulouse, Bruxelles et Nice. Des adresses qui correspondaient aux points de chute de l’administrateur, de sa compagne et de son principal revendeur de bitcoins.

Paradoxalement, l’homme d’affaires semblait bien décidé à se construire une bonne image de marque dans le milieu du bitcoin. Même si ses arguments commerciaux (la rapidité de la transaction et le caractère parfaitement anonyme de celle-ci) avaient tout pour séduire en priorité des criminels à la recherche de lessiveuse d’argent sale et donc moins regardants sur les commissions de change, on constate que sa cote de confiance était en constante progression au sein des forums où s’échangent les avis des utilisateurs de bitcoins. Il visait ainsi pour son casino l’obtention du label « probably fair » qui ‘récompense’ les mécanismes objectivement illicites de casinos en bitcoins souhaitant donner des gages de confiance sur leur mode de fonctionnement. Même chez les contrebandiers on se doit de rassurer le client si on veut le fidéliser.

Que faire des 388 bitcoins saisis ?

L’enquête de l’adjudant Reveillac ayant rassemblé tous les éléments techniques nécessaires, les magistrats devraient pouvoir donner rapidement une suite judiciaire à ces interpellations dont les protagonistes ont été laissés en liberté sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter le territoire. Ce dossier va en outre obliger la Chancellerie à se doter d’une doctrine en matière de bitcoins. En effet, les 388 bitcoins saisis à l’occasion de l’affaire sont désormais détenus par l’Agence de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (AGRASC). Cet établissement public à caractère administratif sous tutelle des ministères de la Justice et du Budget est chargé de gérer les saisies et les confiscations en matière pénale. Il lui reviendra donc le cas échéant de revendre lesdits bitcoins. A l’instar du FBI qui a mis en vente aux enchères fin juin 2014 les bitcoins saisis lors de la fermeture du site Silkroad ».

Source : journaldunet.com