« Quels sont les avantages et les inconvénients de monnaies virtuelles telles que le Bitcoin ? » Les députés de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement Européen se sont penchés lundi sur cette question lors d’une audition publique. Selon eux, une réglementation à l’échelle européenne devrait se limiter à la prévention de la criminalité et à la lutte contre celle-ci.
Le Parlement prépare actuellement un rapport sur les « monnaies virtuelles » qui sera voté dans les prochains mois.
Source de la vidéo : europarl.europa.eu
Extrait du communiqué de presse du parlement européen :
Une monnaie virtuelle permet de transférer de l’argent sans faire appel à un intermédiaire. Elle utilise le principe de la cryptographie pour créer une base de données de transactions partagée et vérifiable publiquement afin de lutter contre la fraude. Ce procédé crée une relation de confiance entre le vendeur et l’acheteur, éliminant ainsi le besoin d’une vérification par un tiers.
Pour Jakob von Weizsäcker, député démocrate socialiste allemand chargé de rédiger le rapport sur les monnaies virtuelles au Parlement européen, « beaucoup d’investisseurs ont de très grands espoirs qu’une application particulière de cette technologie se transforme, comme ils l’appellent, en « killer application ». La vraie question est de savoir si et quand l’une de ces innovations capitales verra le jour, et à quel point nous sommes préparés, nous les gouvernements et les législateurs de ce type de révolution ».
Avantages et inconvénients
De nombreux experts ont souligné le fait que les transactions en monnaies virtuelles étaient moins coûteuses, plus rapides, plus sécurisées et plus transparentes.
Primavera De Filippi, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Paris, a mentionné le fait que la technologie liée aux chaînes de blocs pouvait être perçue comme « une sorte de technologie de la réglementation, permettant aux lois d’être appliquées de façon plus transparente et plus efficace ». « Cela résout le problème de savoir qui surveille celui qui surveille », a-t-elle expliqué.
Au-delà de ce potentiel avantage, les monnaies virtuelles soulèvent encore beaucoup de questions. « Elles ne protègent pas vraiment le consommateur. Il existe aussi des risques en ce qui concerne la stabilité de ces plates-formes, la volatilité des prix et les cyber-menaces classiques telles que le vol, le piratage et la perte », a rappelé Olivier Salles de la Commission européenne.
En effet, le Bitcoin par exemple a souvent été associé à des pratiques illégales telles que le blanchiment d’argent et le commerce de marchandises illicites, notamment parce que les transactions peuvent être effectuées de manière anonyme.
« L’argent liquide est en réalité un moyen beaucoup plus anonyme de transférer de la valeur », a pourtant déclaré Sean Ennis, économiste à l’Organisation de coopération et de développement économiques. « La chaîne de propriété des monnaies virtuelles est publique, ce qui permet d’analyser une quantité énorme de transactions ».
Cet aspect a également été souligné par Jeremy Millar, partenaire de Magister Advisors : selon lui, « il est plus facile de détecter un crime avec Bitcoin qu’avec de l’argent liquide ». « Le Bitcoin n’est plus une communauté de hackers. Il est aujourd’hui dirigé par de grandes entreprises qui cherchent à se conformer à la législation existante », a-t-il expliqué.
Faut-il règlementer ces monnaies à l’échelle européenne ?
La plupart des experts se sont montrés prudents quant à un élargissement de la législation européenne qui s’appliquerait aux monnaies virtuelles.
« L’un des défis les plus importants n’est pas de savoir avec quelle rapidité et jusqu’à quel point réguler, mais de savoir comment surveiller correctement cette technologie qui évolue rapidement », a déclaré Olivier Salles. Celui-ci a expliqué que la Commission se penchait en ce moment sur la nécessité ou non de réguler ces monnaies, dans le cadre d’une réponse aux attaques terroristes de Paris.
Pour Jeremy Millar, « il n’y a aucune base pour une réglementation générique du Bitcoin ». Un réseau mondial du Bitcoin aurait cependant « pu bénéficier de l’harmonisation de certaines politiques européennes ».
« Une réglementation proportionnée est hautement souhaitable », a quant à lui déclaré Thaer Sabri, de l’association des monnaies électroniques. « Je pense que l’industrie soutient une réglementation visant à lutter contre la criminalité financière ».
« Si vous souhaitez proposer une action législative, [je recommande] de limiter cette action à la lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme », a déclaré Siân Jones, cofondateur du forum européen de la monnaie numérique et de la technologie des chaînes de blocs.
Pour le rapporteur Jakob von Weizsäcker, il faudrait davantage parler de « surveillance de précaution », plutôt que de « réglementation de précaution ».
Prochaines étapes
La commission des affaires économiques et monétaires doit se prononcer sur le texte en avril prochain. Tous les députés réunis en session plénière voteront ensuite le projet de rapport, probablement au cours du mois de mai.
Source : europarl.europa.eu