« Wir akzeptieren Bitcoins »

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Le bitcoin qui ne risque pas l’inflation, plait de plus en plus aux allemands. A Berlin, les boutiques, bars, restaurants,  chambres d’hôtes qui acceptent les paiements en bitcoins fleurissent un peu partout. Simple mode ou avant-garde ? Les commerçants témoignent.

A Graefekiez, un quartier de taille modeste, doté d’une âme et d’une structure économique qui lui est propre, le Room77, « le restaurant aux confins du capitalisme », propose à ses clients « de la bière chaude, des femmes froides et de la cuisine de fast-food servie au ralenti » (inscription sur la porte). Le propriétaire, Joerg Platze, un Allemand d’origine américaine (son père était Texan), est devenu une sorte d’évangélisateur de la monnaie numérique : c’est grâce à lui si une bonne partie des commerces du quartier affichent aujourd’hui un autocollant frappé de l’inscription « Wir akzeptieren Bitcoins ».

Le café Room 77 à Berlin respire le Kreuzberg alternatif des années 80 : musique country, canapés fatigués en skaï, murs sombres au crépi négligé et tutoiement de rigueur. « Nous étions les premiers au monde à l’utiliser dans la vie réelle », fanfaronne avec aplomb Joerg Platzer, le propriétaire de l’établissement, jamais avare d’une démonstration, il pose une bière sur le zinc et présente sur sa tablette un code que le client peut scanner avec son smartphone. D’un clic, le consommateur confirme ensuite l’achat. Et en quelques secondes, 0,03 Bitcoin sont passés du compte client à celui du café. Sans l’intervention d’une banque et sans commission. « Ce n’est ni du folklore ni du marketing, précise Joerg Platzer. Nous sommes à la veille d’une nouvelle organisation monétaire ».

Signes avant-coureurs de ce grand soir ou simple phénomène de mode, plus d’une trentaine de commerçants utilisent en tout cas ce système de paiement dans le quartier de Kreuzberg : cafés, restaurants, hôtels, petits magasins d’électronique, papeteries, librairies, boutiques de produits bio, chambres d’hôtes ou start-up gérant des sites de commerce en ligne, la devise virtuelle s’est installée sur le pavé de Berlin, désormais baptisée par la presse locale « capitale du Bitcoin ». En août dernier, l’Allemagne l’a du reste reconnu comme monnaie privée, ce qui rend en principe imposables les gains qu’elle permet de générer sur toute transaction. « Je fais 10 à 20% de mon chiffre d’affaires en Bitcoins, poursuit Jörg Platzer avec enthousiasme, c’est tout simplement une nouvelle forme d’argent, bien plus efficiente que les autres ».

Assis sur sa Vespa blanche devant le Floor’s, Brand explique en quelques mots comment fonctionne le système Bitcoin. D’après lui, c’est un choix responsable, comme acheter un produit bio plutôt qu’un produit discount. Smartphone dans la main droite, il entre dans l’application EasyWallet – il suffit alors de prendre en photo le flashcode du bar, d’insérer le montant demandé, d’appuyer sur OK, et le paiement est effectué. « Je règle en bitcoins au moins deux fois par jour, le déjeuner ou le café. Je ne sais pas si le bitcoin sera la monnaie du futur, mais ce seront sûrement des monnaies reposant sur la technologie Internet qui s’imposeront. Peut-être en existera-t-il plusieurs, mais j’ai l’impression que c’est une évolution inexorable », analyse-t-il.

La propriétaire du Floor’s Café se nomme Florentina Martens. A 26 ans, cette Néerlandaise de naissance, ancienne étudiante des Beaux-Arts de Berlin, a monté sa petite entreprise de restauration et prend fait et cause pour le bitcoin. Pour elle, tout a commencé par une expérience de serveuse dans un bar voisin qui permettait de régler dans la monnaie alternative. « Au départ, ça me gênait presque, je ne comprenais pas bien le fonctionnement, et quand quelqu’un voulait régler en bitcoins, je n’étais pas à l’aise ».

Plus tard, quand elle a décidé d’ouvrir son propre bar, elle s’est laissé convaincre par des voisins, s’est renseignée et a décidé d’accepter les paiements dans cette monnaie qu’elle associait encore peu de temps auparavant à une corvée. Un logiciel et un flashcode, c’est tout ce dont le client a besoin. Pour l’instant, Florentina n’a pas encore changé ses bitcoins en euros. Tout ce qu’elle gagne en monnaie virtuelle, elle le dépense pour elle dans le quartier.

Au départ, les clients qui réclamaient de payer en bitcoins étaient rares : mais aujourd’hui, elle en a tous les jours qui s’en servent pour régler, qui un café, qui un gâteau, qui un sandwich. « Ce ne sont pas des ‘nerds’ avec lunettes et queue de cheval. Et il y autant d’hommes que de femmes, pour la plupart des jeunes, issus des milieux alternatifs », explique-t-elle. Pour elle la motivation principale est le rejet, mûri surtout pendant la crise, des banques privées et des politiques monétaires des banques centrales en général. « Décentralisée », la monnaie alternative est jugée plus proche des consommateurs, en plus d’être dans l’air du temps.

Le système de paiement Bitcoin cadre avec sa conception de l’hôtellerie alternative, qui se démarque volontairement de l’hôtellerie traditionnelle Issue d’une école d’hôtellerie et ancienne employée dans la restauration, Cassandra Wintgens, 41 ans, est propriétaire de la chambre d’hôtes Lekkerurlaub. Le système de paiement Bitcoin cadre avec sa conception de l’hôtellerie alternative, qui se démarque volontairement de l’hôtellerie traditionnelle, avec des chambres à petits prix, de la nourriture biologique, le wifi et l’adoption d’une monnaie qui ne transite pas par les banques.

« Notre premier hôte est arrivé fin mai 2013. Il nous a dit qu’il avait lu qu’il était possible de régler en bitcoins, et que c’est pour cette raison qu’il avait choisi de prendre une chambre chez nous ». La chambre simple revenait alors à 0,52 bitcoin, soit 40 euros, contre 0,85, soit 65 euros, pour une double. Les factures de la chambre d’hôtes prévoient d’ores et déjà le règlement en bitcoins. Et pour les impôts ? Rien de plus simple :  Il suffira de convertir la recette en euros pour la déclaration de revenus en fin d’année.

Sources : linkiesta.it – lexpress.fr