Valéria Faure-muntia (député REM), Claude de Ganay (député LR), et Ronan Le Gleut (sénateur LR) ont présenté jeudi, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport sur « les enjeux technologiques des blockchains ». Le document de 109 pages – suivies de synthèses d’auditions – contribue aux travaux de la mission d’information sur « les usages des blockchains et autres technologies de certification de registres » présidée par Julien Aubert et « rapportée » par Laure de La Raudière et Jean-Michel Mis.
Résumé :
« Apparues il y a dix ans comme combinaisons de technologies plus anciennes formant le protocole sous-jacent au bitcoin, les blockchains permettent des échanges décentralisés et sécurisés, sans qu’il soit besoin d’un tiers de confiance. Plus précisément, elles sont des technologies de stockage et de transmission d’informations, permettant la constitution de registres répliqués et distribués, sans organe central de contrôle, sécurisées grâce à la cryptographie, et structurées par des blocs liés les uns aux autres, à intervalles de temps réguliers.
Leurs applications dépassent le cadre strict des cryptomonnaies et sont potentiellement nombreuses mais peu conjuguent, à ce jour, maturité technologique suffisante et pertinence de l’usage. Devant un certain phénomène de mode, un regard plus distancié paraît nécessaire : le recours à la blockchain relève souvent d’un enjeu de marketing plus que d’une réponse technologique idoine à des besoins avérés.
De plus, certains usages sont éloignés du projet initial, surtout s’agissant des blockchains privées. Enfin, cet écosystème a fait émerger de nouvelles formes de financement. Les ICO (Initial Coin Offering), type de levée de fonds original et non-règlementé, rencontrent ainsi un très grand succès (total cumulé de plus de 8 milliards d’euros en mars 2018). Ces émissions d’actifs numériques semblent toutefois peu rationnelles puisqu’elles n’offrent aucune garantie aux investisseurs et posent des problèmes de transparence, de spéculation, voire d’escroqueries.
Dans ce contexte, la recherche doit encore relever plusieurs défis. Tout d’abord, celui de la capacité des blockchains à monter en charge alors qu’elles ne permettent qu’un nombre limité de transactions par rapport aux solutions traditionnelles.
Ensuite, celui de la sécurité de ces systèmes, loin d’être exempts de failles, en particulier ceux qui offrent les applications les plus élaborées, face à des attaques de différentes natures.
Enfin, et surtout, celui de leur consommation énergétique, qui apparaît totalement excessive, comprise, selon les estimations, entre 46,5 et 200 TWh/an. Ces besoins sont, en outre, en augmentation exponentielle en raison de la “méthode de consensus” la plus fréquemment utilisée, appelée “preuve de travail”. D’autres méthodes de consensus doivent être mises en œuvre pour répondre en urgence à ce défaut majeur.
Les questions posées par ces technologies en matière économique et financière, mais aussi juridique, notamment en ce qui concerne la protection des données personnelles, ou, encore, politique, surtout en termes de souveraineté, sont également sensibles. La concentration géographique des fermes de minage soulève ainsi des questions d’ordre géopolitique. Vos rapporteurs plaident pour le développement de blockchains européennes qui, sans être souveraines, seraient conçues sur le sol européen, dans le respect de nos principes politiques, philosophiques et moraux. Pour l’heure, le choix de la Commission européenne de recourir à l’entreprise américaine Consensys, spécialisée dans la blockchain Ethereum, pour animer l’Observatoire européen de la blockchain constitue un très mauvais signal.
Au total, les perspectives ouvertes par les blockchains sont considérables et c’est pourquoi leurs limites technologiques et scientifiques actuelles doivent être identifiées, afin d’encourager la recherche des solutions les plus pertinentes et les plus pérennes. Il convient de s’assurer que la France et l’Union Européenne se saisissent maintenant pleinement du sujet des blockchains en se plaçant à l’avant-garde de leur développement.«