Par-delà le bien et le mal

A l’instar d’Internet, l’existence et le fonctionnement de Bitcoin ne dépend pas de la décision d’une quelconque organisation centralisée mais du consensus de tous ceux qui contribuent à faire fonctionner le réseau. L’essor des monnaies électroniques décentralisées est un phénomène avec lequel il faut composer et se prononcer pour ou contre Bitcoin n’a pas beaucoup de sens. En revanche, il faut avoir conscience des qualités et des limites de ces systèmes d’un nouveau genre.


Qualités

Bitcoin est collectif et participatif
De par sa nature libre et décentralisée, Bitcoin est le premier réseau de paiement qui fonctionne uniquement grâce à ses utilisateurs et sans autorité centrale. Les développeurs du projet eux-mêmes ne peuvent modifier le protocole si leur proposition n’est pas adoptée par la majorité des utilisateurs. Les utilisateurs ont le contrôle exclusif de leur fonds.

Bitcoin est conçu par et pour Internet
Bitcoin est fait pour Internet et pourra à l’avenir offrir des alternatives concrètes à plusieurs systèmes anciens, lourds et coûteux. Bitcoin n’est pas encore adapté au petites transactions mais d’ores et déjà il permet de réaliser des transactions de compensation ou des transactions internationales pour un coût dérisoire quand les montants sont importants. Le Bitcoin Lightning Network pourrait favoriser les micro-paiements et ouvrir le paiement électronique à des marchés jusqu’à présent non éligibles en raison de la structure des coûts. Quand le réseau sera à maturité, on pourra également envisager des micro-paiement dans la vie réelle (paiement par QR code avec un téléphone portable par exemple).

Bitcoin  protège les droits et les libertés individuelles
Bitcoin permet à chaque personne de stocker et échanger de la valeur de façon sécurisée sur un réseau qui ne peut être saisi, manipulé ou stoppé par aucune organisation ou individu. Donnant ainsi un libre accès à des outils puissants qui peuvent jouer un rôle dans la protection des droits et libertés individuelles dans les dictatures notamment.

Bitcoin est une devise globale et neutre
On ne peut que difficilement trouver une monnaie dans notre histoire qui ait déjà été libre de toute influence politique ou de toute économie nationale. Le Bitcoin est une devise universelle qui est même accessible aux populations non bancarisées. Elle traverse toutes les barrières entre les nations, les politiques et les cultures.

Bitcoin c’est la transparence
Si les propriétaires et les destinataires des transactions en bitcoins restent inconnus, toutes les transactions sont cependant publiques. Les utilisateurs peuvent donc choisir de révéler leur propriété sur certaines adresses Bitcoins envers des personnes définies. Ce qui permet à toute organisation de mettre en oeuvre d’excellentes pratiques de transparence adaptées à chaque besoin.

Bitcoin sécurise les avoirs
Grâce à un usage ingénieux de règles cryptographiques, le Bitcoin offre une liste étonnante de fonctionnalités reliées à la sécurité. Non seulement les Bitcoins sont impossibles à contrefaire ou à usurper mais le protocole est aussi conçu pour être très résistant contre une liste impressionnante d’attaques informatiques, incluant les attaques par déni de service distribué. En outre avec Bitcoin vous vous affranchissez de diffuser votre numéro de carte bancaire sur Internet.

Bitcoin permet de faire des économies
Les transactions sont directes, pas de frais bancaires mais des frais de réseau qui ne sont pas proportionnels au montant envoyé. C’est particulièrement avantageux pour les paiements internationaux de fort montant.

Bitcoin protège de l’inflation
La quantité de bitcoins générée est prévue à l’avance dans le logiciel et le nombre maximum ne dépassera pas 21 millions d’unités. De plus les bitcoins perdus par les utilisateurs ne seront jamais remplacés.


Critiques

La méthode de mise sur le marché est discutable 
Les premiers utilisateurs ont été bien servis mais actuellement il est presque impossible de générer (miner) des bitcoins individuellement. La seule solution c’est de rejoindre une coopérative (pool) de mineurs et là – à moins d’avoir une installation coûteuse dédiée à cet usage et si possible de travailler chez EDF – les revenus sont absolument dérisoires.

> Oui, les premiers qui ont miné des bitcoins ont été bien récompensés, mais ce n’est que justice. Ils y ont cru avant les autres, quand un bitcoin ne valait presque rien, et ont contribué à installer puis à renforcer le réseau au moment où il était encore fragile. La nature déflationniste et décentralisée du système Bitcoin le rend cependant complètement étranger aux mécanismes d’une pyramide de Ponzi.

Acheter en bitcoins pour les dépenser c’est absurde
Pour avoir des bitcoins, le meilleur moyen le plus rapide c’est d’en acheter. Or acheter en euros une monnaie dans le but de la dépenser sur internet alors qu’on peut payer directement en euros la plupart des biens et des services, c’est une démarche assez incongrue.

> Sauf qu’avec Bitcoin Lightning Network les frais de transaction sont dérisoires et ultra-compétitifs par rapport autres moyens de paiement comme les cartes bancaires ou Paypal. En outre il n’y a aucun frais supplémentaire pour un achat à l’étranger. Enfin dépenser des bitcoins cesse d’être absurde lorsque vous avez réalisé une plus-value, surtout si elle est conséquente.

Bitcoin est volatil
Les heureux détenteurs de bitcoins ne les utilisent pas (ou rarement) pour acheter des biens et des services, mais pour les échanger contre des euros ou des dollars. N’essayez pas de vendre votre bicyclette en bitcoins sur leboncoin, vous ne trouverez pas d’acheteurs. Le bitcoin est encore trop volatil pour faire du commerce, ce n’est pour l’instant qu’une monnaie de spéculateurs.

> Certes, Bitcoin reste très peu utilisé comme moyen de paiement. Cela dit de nombreux commerces acceptent d’ores et déjà les bitcoins.

Bitcoin est une aubaine pour les mafias
Anonymat des transactions, absence de contrôles et de frontières… pour les trafiquants, Bitcoin allie les avantages de l’argent liquide et ceux du paiement en ligne. En outre, pour les mêmes raisons, il favorise le blanchiment et l’évasion fiscale.

> Un couteau de cuisine peut servir à tuer… doit-on interdire les couteaux de cuisine ? La Poste est le principal réseau de distribution des produits illicites vendus dans le « dark web », pourtant on ne lui reproche rien, pourquoi s’en prend-on au moyen de paiement ? Par ailleurs les billets de banques, totalement anonymes, émis par les banques centrales restent de loin le premier moyen de paiement des criminels du monde entier et pourtant la monnaie papier reste légale. Ajoutons que l’anonymat de Bitcoin est très relatif : les transactions sont publiques et il n’y a peu d’anonymat quand il s’agit de vendre ou d’acheter des bitcoins sur internet. C’est ainsi que la police a pu, après la chute d’un réseau, tracer et saisir les fonds de nombreux trafiquants, ce qui est impossible avec la monnaie papier. La confidentialité et l’anonymat ne sont réellement garantis que par les crypto-monnaies conçues à cet effet. Avec le temps la proportion d’activité criminelle sur le bitcoin est devenue marginale et absolument dérisoire par rapport à la part de l’économie souterraine en euros pourrait représenter 10% du PIB en France. Enfin le relatif anonymat protège aussi les utilisateurs honnêtes contre les comportement totalitaires ou impérialistes de certains Etats peu soucieux des libertés individuelles ou qui considèrent que leur droit s’applique au-delà de leurs frontières.

Bitcoin n’est pas une monnaie de commerce
Avec un plafond à 21 millions, le bitcoin aura toujours de la valeur mais sera une monnaie en déflation constante. C’est l’inverse d’une logique keynésienne qui préfère que l’argent soit dépensé au plus vite, quitte à s’endetter pour consommer, plutôt que d’épargner en permanence. Dans ces conditions Bitcoin a peu de chance de devenir une monnaie dynamique comme le sont les monnaies fondantes et pourrait rester à jamais une valeur inerte, un vulgaire placement.

> Bitcoin peut aussi être une monnaie à dépenser : le cours fluctue beaucoup, acheter des bitcoins quand ils sont moins chers et les dépenser quand ils valent davantage et aussi une excellente stratégie pour retrouver du pouvoir d’achat. En outre, utilisée comme intermédiaire de paiement, la valeur de cette monnaie n’a aucune importance. Dans cette utilisation, on ne paie pas en bitcoins directement : le compte de l’acheteur est débité en euros qui sont transformés en bitcoins. Ces bitcoins sont alors envoyés au destinataire puis transformés en euros. C’est particulièrement intéressant pour un achat à l’étranger.

Une monnaie piratable
La plupart des gens ne sont pas prêts et pas suffisamment formés pour mettre leurs économies dans un porte monnaie virtuel qui, si on ne sait pas le sécuriser, peut disparaître du jour au lendemain (mort du support, perte de données, piratage…). En outre les transactions sont irréversibles et il n’y a pas de recours possible.

> Bitcoin ne ressemble à rien qui n’existait avant lui, il y a donc une culture à acquérir. Mais quand on en a compris le principe, c’est un moyen de paiement extrêmement pratique et très sécurisé. A chacun de trouver le portefeuille qui lui correspond le mieux. Quant à l’irréversibilité des transactions, si on prend le problème à l’envers, on peut également considérer que c’est un aspect particulièrement intéressant pour les commerces en ligne. 

Un système duplicable à l’infini
Bitcoin est un logiciel libre, le système peut être dupliqué à l’infini pour fabriquer d’autres monnaies numériques au risque de perdre totalement les utilisateurs et de diminuer l’intérêt du concept.

> Il y a tellement de clones de Bitcoin, que peu d’entre-eux parviennent vraiment à sortir du lot. De par sa valeur, la quantité d’utilisateurs et de commerces qui l’acceptent, la capacité de calcul de son réseau de mineurs, Bitcoin s’est imposé comme leader des monnaies décentralisées.

Bitcoin ne permet qu’un flux très réduit de transactions
Le réseau Bitcoin est incapable de traiter plus de sept transactions à la seconde, un volume ridicule pour une technologie qui des ambitions mondiales. A titre de comparaison Visa gère jusqu’à 47 000 transactions par seconde aux heures de pointe.

> Le réseau Bitcoin n’est pas conçu pour enregistrer un très grand nombre de transactions. Bitcoin est avant tout une réserve de valeur et si on veut en faire un vaste réseau de paiement il faut s’appuyer sur d’autres protocoles reposant sur Bitcoin, comme par exemple des sidechains (chaines latérales) ou encore le Bitcoin Lightning Network qui pourrait permettre des millions de transactions chaque seconde, des validations quasi-instantanées, des frais dérisoires et des micro-paiements jusqu’au satoshi.

Bitcoin repose est un réseau extrêmement énergivore
Le PoW (Proof-of-Work), système de validation à la base de Bitcoin, est effrayant car son efficacité repose sur un immense gaspillage d’électricité.

> Le PoW est économiquement vertueux car il adapte progressivement la sécurité à la valeur de la masse monétaire, mais il a effectivement un coût énergétique considérable qu’on peut estimer, en janvier 2020, à 69 TWh par an. par an [pour le détail du calcul voir ici]. La division par deux, tous les quatre ans, de la prime de minage et l’adoption de solutions de scalabilité « off-chain » pourraient au fil des années contenir la consommation énergétique du réseau même si le cours du bitcoin poursuit sa hausse. Ajoutons enfin que les mineurs ne consomment que ce que les compagnies d’électricité veulent bien leur vendre et que ces compagnies n’agissent qu’avec le consentement des Etats. Ainsi certains Etats utilisent les mineurs pour tirer profit de l’électricité perdue (Canada, Chine…) en cas de surproduction mais augmentent les tarifs ou limitent l’activité des mineurs dans les autres cas.

Bitcoin contribue au réchauffement climatique
La plupart des centres de calcul sont situé en Chine, premier consommateur mondial de charbon.

> Les mineurs sont incités à utiliser l’énergie la moins chère là où ils la trouvent : les barrages hydroélectriques (Sichuan, Canada, Géorgie…), la géothermie (Islande), mais hélas aussi parfois le charbon (Mongolie intérieure, Sibérie, Etats-Unis, Australie…). Pour cette industrie, comme pour tout autre activité electro-intensive, le véritable problème n’est-il pas l’absence de mesures réellement contraignantes dans l’accord sur le climat ? Seule une réponse concertée et adaptée des Etats pourrait être efficace.