Lorsqu’il s’agit de regarder un film, de nos jours il y a le choix, vous pouvez regarder la télé, aller au cinéma, aller sur une plateforme de streaming comme Netflix, aller sur une plateforme de streaming illégale ou utiliser un Torrent.
Le protocole de partage de fichier Torrents est un réseau pair à pair distribué numérique permettant de s’échanger des fichiers numériques (texte, audio, vidéo…) qui a été créé au début des années 2000 [1]. Si les torrents furent très utilisés durant la décennie 2000-2010 notamment pour télécharger des films et de la musique, en revanche après ils furent délaissés pour des plateformes telles que Netflix (plateforme de streaming vidéo) ou Spotify (plateforme de streaming audio).
Matrice des médiums de consommation de vidéo (ou spectacle) en fonction de leur caractère centralisé ou décentralisé et numérique ou analogique :

Figure 1 : Matrice des médiums de consommation de vidéo (ou spectacle) en fonction de leur caractère centralisé ou décentralisé et numérique ou analogique
De nos jours, La majorité des gens utilisent les plateformes comme Netflix ou Amazon Prime et non le protocole Torrent [2]. Ainsi, il est question ici d’un protocole pair à pair distribué qui est moins utilisé que des plateformes B2C centralisées.
Binance, le Netflix des payements
De même lorsqu’il s’agit de payer pour un bien ou service (café…) en théorie vous avez le choix, vous pouvez payer par carte bancaire, espèces, cartes crypto de plateforme régulées (Binance, Amazon Pay…), cartes crypto de plateforme « moins régulées » (Cake Pay, Bitrefill…) ou Bitcoin.
L’intuition de base de cet article est que Binance est à Bitcoin ce que Netflix est aux Torrents et que par analogie il devrait se passer des phénomènes similaires. Tout comme Netflix (centralisé et régulé) et les plateformes de streaming illégales (centralisées et non régulées) ont supplanté BitTorrent (décentralisé et non régulé) pour la consommation de vidéos et de musique, les solutions de paiement centralisées, qu’elles soient régulées avec KYC (ex. : Binance, PayPal) ou non régulées sans KYC (ex : Wallet of Satoshi), pourraient prédominer pour les paiements quotidiens, au détriment de solutions décentralisées comme Bitcoin en détention propre ou le Lightning Network avec ses propres canaux.
Matrice des médiums de services de paiement en fonction de leur caractère centralisé ou décentralisé et numérique ou bancaire :

Si l’analogie se tient alors les plateformes devraient être plus utilisées que Bitcoin (en pair à pair) pour effectuer des paiements.
La majorité des gens utiliseront-ils des plateformes comme Binance ou Kraken au lieu d’utiliser le protocole Bitcoin ?
Là où l’analogie ne tient pas est au niveau des incitations économiques. En effet, contrairement aux Torrents l’incitation économique de Bitcoin (déflation) est bien plus grande. Il est compliqué de devenir riche avec des Torrents tandis qu’avec Bitcoin il semble plus simple de s’enrichir. Pour le grand public, la commodité des plateformes centralisées disqualifie Bitcoin pour les dépenses courantes. Cependant, Bitcoin conserve un rôle distinct : protéger son patrimoine contre l’inflation, la confiscation ou la censure des transactions. Cela reste compatible avec l’usage de solutions centralisées pour les petites transactions du quotidien.
Enfin, plusieurs moyens ont été mis en œuvre pour promouvoir l’utilisation à grande échelle de Bitcoin comme moyen de paiement.
Comment Bitcoin pourrait tirer son épingle du jeu
L’industrie du paiement est l’une si ce n’est la plus grande industrie du monde [3] et c’est typiquement le genre d’activité à laquelle répond Bitcoin. D’un côté des outils de paiement faciles d’utilisation pour l’utilisateur et de l’autre l’effet de réseau de personnes prêtes à payer ou accepter Bitcoin pour des transactions de tout les jours.
Mais si de nos jours les outils faciles à prendre en main existent en revanche comment augmenter l’effet de réseau de personnes prêtes à payer ou accepter Bitcoin pour des transactions de tous les jours ?
Avec des outils tels que BTCPay server, Be-BOP ou Mt Pelerin pour équiper les commerces à recevoir des paiements en Bitcoin, cette thématique n’est pas nouvelle dans l’écosystème Bitcoin français et a déjà été traitée dès 2022 [4-6].
Wallet of Satoshi ou Phoenix rendent l’interface utilisateur simple pour des paiements Lightning qui d’ailleurs a totalement été pensé pour promouvoir l’utilisation de Bitcoin dans des commerces, cela va totalement dans le sens d’une adoption de masse, mais est-ce suffisant ?
Ci-dessous le classement CoinCards (cartes de paiement prépayées) des cryptomonnaies utilisées :

Si la vie privée semble être un enjeu lorsqu’il s’agit de payer, il existe sur Bitcoin les silent payement [8-9], or il est question d’une couche supplémentaire qui complexifie encore l’utilisation de Bitcoin.
Payer en Bitcoin par le biais d’une plateforme régulée telle que PayPal [10], c’est maintenant possible. Il est question ici d’une plateforme de paiement B2C centralisée qui existait avant Bitcoin et qui maintenant intègre les paiements de ce protocole pair à pair distribué.
Les plateformes B2C centralisées telles que Binance pourraient bien être les premières à souffrir des excès de la réglementation, en effet des services tels que Binance Pay demandent beaucoup d’informations (qui est le destinataire, le motif…) voire plus que pour un transfert bancaire classique. Ainsi, l’utilisateur pourrait trouver plus pratique l’utilisation de Bitcoin.
D’autre part, concernant la régulation des paiements Bitcoin et notamment en France, c’est aussi un élément très contraignant qui joue en la défaveur d’une utilisation de masse, dans le sens où théoriquement chaque achat en Bitcoin est soumis à une taxation de la plus-value.
Les magasins acceptent déjà beaucoup de moyens de paiement de plateformes B2C régulées de nos jours :

Peut-être que Bitcoin (lightning ou on-chain) ne sera qu’un énième moyen de paiement part un tiers en magasin parmi tant d’autres…
Conclusion
Sur bien des points l’analogie entre Bitcoin et les Torrents tient la route et laisse entrevoir, en première approximation, une utilisation plus grande pour les paiements de plateformes B2C centralisées telles que Binance que d’utilisation pair à pair directement sur le protocole Bitcoin.
Or, cette fois c’est différent, car en seconde approximation les interfaces utilisateurs, les incitations économiques vont dans le sens d’une adoption de masse, reste à savoir dans quel sens ira la régulation.
Ainsi, la question reste en suspend même si de nos jours l’écosystème Bitcoin est mûr sous bien des aspects pour une adoption de masse en tant que moyen de paiement.
Références :
[1] https://en.wikipedia.org/wiki/BitTorrent
[2] https://dergigi.com/2021/12/30/the-freedom-of-value/
[3] https://www.youtube.com/watch?v=dJ7BnZTXKkI
[4] https://www.youtube.com/watch?v=shFrvvbuwgU
[5] https://www.youtube.com/watch?v=ms35bVy8p3g
[6] https://www.youtube.com/watch?v=p1Beyl5dV9o
[7] https://x.com/SortieDeBanque/status/1880635239095279902/photo/1
[8] https://bitcoin.fr/silent-payments/
[9] https://www.youtube.com/watch?v=e_o4HQ4_-ME
[10] https://fortune.com/crypto/2025/07/28/paypal-100-cryptocurrencies-accept-merchants-bitcoin-ethereum/
A propos de l’auteur

Thomas Mang, ancien doctorant au CEA de Grenoble, est ingénieur en Photonique depuis 2017. Passionné par les technologies du numérique (l’impression 3D, Bitcoin), il s’y intéresse non pas à travers le prisme des « sciences dures » mais par les sciences humaines : l’histoire ou l’anthropologie.
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