Hier, Pierre Beyssac, porte parole du Parti Pirate et informaticien/entrepreneur noblement engagé pour notre liberté numérique écrivait : « N’importe quelle personne un peu riche de la tech a probablement les poches assez profondes pour mener une attaque des 51 % plus ou moins visible. Musk, sans aucun souci s’il en a envie, ça serait de l’argent de poche pour lui. »
C’est forcément de la provoc ; il y aurait quoi, 500 gonzes qui pourraient faire péter Bitcoin à tous moments si l’envie les prend, entre un 18 trous et une balade en Yacht ?
Admettons, traitons ça rapidos.
Il faut :
2 GW de puissance électrique, 300 000 ASICs dernière génération (tout le marché, quoi), les transformateurs, les armoires, le câblage, le refroidissement, l’espace, les infrastructures physiques.
Et ce, dans un contexte de pénurie sur tout ce matériel. Rien que les transformateurs c’est introuvable, les délais sont à 18 mois.
Bon, admettons, encore : une attaque de ce type tue la valeur de l’actif visé, déclenche une fuite massive des mineurs, une reconfiguration du protocole et une réaction communautaire immédiate (fork).
Bitcoin est un système antifragile. Toute attaque visible crée sa propre réponse.
C’est en gros ce qu’ont répondu les Bitcoiners amusés à M. Beyssac, qui semble décidé à bosser ses bases minières, tant il consulte via X sur le sujet.
Parmi ses tweets, un interpelle le fameux Renaud Lifchitz en ces termes « Que penses-tu de ces articles ? Points valides ou pas ? Le second est très récent. »
J’ai regardé ces articles ; Le premier est publié par bitpanda, je zappe.
Le second par « Finbold », je ne connais pas, découvrons.
« Alerte à la centralisation : deux pools ont extrait plus de 51 % des blocs Bitcoin en 3 ans. »
Bon le titre pue, mais on a vu déjà de bons articles desservis par la tentation putaclic d’un rédac chef avide de manchettes sensationnelles, je m’y plonge quand même.
Et direct, ça part mal. L’auteur fait reposer tout son papier sur une confusion de base, une erreur fondamentale : Que deux pools aient « produit » 56 % des blocs sur trois ans ne signifie absolument pas qu’elles ont contrôlé 56 % du hashrate à un instant T.
C’est un chiffre cumulatif, pas une photo du réseau.
Les pools n’ont pas les bécanes : elles agrègent du hashrate mobile, fourni par des milliers de mineurs indépendants comme moi.
On change de pool à tout moment, parfois plusieurs fois par mois.
Exemple : je décide que BigBlock mine un mois chez Antpool, un autre chez Foundry, puis ailleurs. Les blocs restent comptabilisés chez les deux. Mais à aucun moment les 2 pools en même temps n’ont pu mobiliser mon hashrate, c’est soit l’une soit l’autre.
Donc l’auteur, Vinicius Barbosa il s’appelle, passe de ce constat agrégé à une analyse de risque en temps réel sans complexe, sans jamais évoquer la coordination effective ni la volatilité du hashrate ; inimaginable pour qui connaît vaguement le mining.
Je vérifie, Vinicius est « journaliste crypto et finances personnelles » .
Il dit la même chose qu’une Nastasia Hadjadji chez nous, avec à peu près le même niveau de formation et de compréhension, un ensemble vide.
C’est que maintenant, les inquiets du btc se pompent leurs inepties mutuelles à travers le monde, les IA traduisent et ils sont tout contents de passer pour des spécialistes à la télé d’Etat, devant d’autres journalistes convaincus d’apprendre des trucs importants. Alors, chers Vinicius, Nastasia, Pierre, Pol et les autres, qui vous piquez de parler mining à l’instinct, sans bosser, je vous résume :
Une attaque Goldfinger nécessite une majorité active ET coordonnée au même instant, ce que les pools ne peuvent ni garantir ni imposer, vu qu’on les quitte quand on veut.
Rien dans ce papier brouillon n’indique que cette nuance est comprise.
Et c’est bien dommage, c’est un sujet passionnant, un gros enjeu, ça mérite d’être traité avec sérieux.
C’est ce que fait notre industrie, elle, qui travaille à déployer : Stratum v2.
Comme d’habitude sur Bitcoin, il y a ceux qui construisent et ceux qui commentent, les seconds sont convaincus de lever des loups que les premiers n’ont pas vu ; les causeurs donnent des leçons aux mineurs, sur l’électricité et l’effacement, sur les pools, sur les asics et leur durée, autant de sujets qu’ils sont convaincus de maitriser, comme si c’était facile. Comme si une solide culture générale suffisait à s’envisager connaisseur de sujet aussi pointus.
Revenons sur ce que fait notre industrie pour couper court à la potentielle menace poolesque :
Avec Stratum v2, en tant que mineur, j’ai le contrôle total du block template ; les pools n’ont plus aucun levier pour censurer ou manipuler les blocs.
Une fois Stratum v2 généralisé, même cette menace théorique autour des pools deviendra caduque. Vous avez bien lu : à court terme, avant 2030, on aura enlevé cet os à ronger aux détracteurs de la PoW ; on ne lira plus les confusions entre concentration et centralisation et même, on arrêtera enfin d’imaginer que tout un secteur économique puisse être en phase pour s’auto-détruire.
Bref : les chiens aboient, la caravane Bitcoin passe. Comme d’habitude, aussi.
A propos de l’auteur

Sébastien Gouspillou est cofondateur et Président de BigBlock Datacenter et de BBGS, sociétés qui conçoivent et gèrent à travers le monde des unités dédiées au minage de bitcoins exploitant des énergies renouvelables et fatales.