Comme il l’avait annoncé, Donald Trump a signé un ordre exécutif qui met fin à l’incarcération de Ross Ulbricht, le fondateur de Silk Road.
« Je viens d’appeler la mère de Ross William Ulbricht pour lui faire savoir qu’en son honneur et en celui du Mouvement libertarien, qui m’a soutenu avec tant de force, j’ai eu le plaisir de signer une grâce totale et inconditionnelle pour son fils, Ross. Les ordures qui ont travaillé à le condamner étaient parmi les mêmes fanatiques impliqués dans la politisation moderne du gouvernement contre moi. Il avait été condamné à deux peines de prison à vie, plus 40 ans. Ridicule ! » – Donald Trump
L’affaire « Silk road »
Le site Silk Road a fonctionné au moins entre janvier 2011 et octobre 2013, date de l’arrestation de Ross Ulbricht à San Francisco. Utilisant le réseau Tor, il permettait aux internautes d’acquérir anonymement des produits illicites contre des bitcoins.
Ce sont des messages sur le forum Bitcointalk qui avaient permis d’identifier et d’arrêter Ross Ulbricht. Partant du principe que le fondateur de Silk Road avait probablement cherché faire connaître l’existence de sa plateforme à sa création, Gary Alford, agent spécial du fisc américain avait commencé par effectuer une recherche Google sur l’URL Tor de Silk Road en limitant les résultats aux pages référencées avant le 31 janvier 2011, date présumée du lancement du site. Il est alors tombé sur un message signé par un certain Altoid publié sur Bitcointalk le 29 janvier 2011. Le message original avait été effacé, mais il avait été conservé dans les réponses d’autres utilisateurs :
« Quel fil génial ! Vous avez des idées incroyables les gars. Quelqu’un a-t-il déjà vu Silk Road ? C’est comme un amazon.com anonyme. Je ne pense pas qu’ils aient de l’héroïne, mais ils vendent d’autres trucs. Ils utilisent essentiellement Bitcoin et Tor de négocier les transactions anonymes. C’est à cette adresse : http : //tydgccykixpbu6uz.onion. Ceux qui ne connaissent Tor peuvent se rendre à silkroad420.wordpress.com pour obtenir des instructions sur la façon d’accéder aux sites .onion. Dites-moi ce que vous en pensez ». – Altoid.
Gary Alford s’était alors intéressé de près à cet utilisateur et, dans l’historique de ses messages, il était tombé sur une petite annonce d’emploi pour un développeur. Cette annonce indiquait une adresse de réponse : rossulbricht@gmail.com. Dès lors l’enquêteur s’était tourné vers Google qui lui avait fourni une copie de tout ce que contenait le compte. Plusieurs courriels confirmaient qu’il s’agissait du même Altoid, et l’historique des conversations Gtalk révélait des commandes de matériel utilisé pour cultiver des champignons hallucinogènes. Mais pour les enquêteurs le doute fut définitivement levé lors de l’arrestation d’Ulbricht qui avait commis une autre erreur : celle de conserver sur son ordinateur portable une copie de certaines de ses conversations de travail, jusqu’alors indétectables puisque cryptées avec Torchat.
Reconnu coupable de blanchiment, de trafic de stupéfiants, d’entreprise criminelle et de piratage informatique, Ross Ulbricht, créateur du site, a été condamné le 29 mai 2015 par un tribunal de New York à deux peines de prison à vie, et trois peines de cinq, quinze et vingt ans.
Il a échappé de peu à des charges plus graves encore, puisqu’on la police l’a soupçonné d’avoir commandité des meurtres (qui n’ont heureusement pas été commis). Mais ces allégations n’ont pas pu être prouvées.
Les agents corrompus
L’affaire ne s’était pas arrêté là. En octobre 2015, un agent de l’agence anti-drogue américaine (DEA) a été condamné à 78 mois de prison pour extorsion de fonds et blanchiment d’argent dans le cadre de l’affaire Silk Road. Carl Force, 46 ans, enquêteur principal en charge du dossier avait pour mission d’établir sous une fausse identité, des contacts avec Ross Ulbricht, l’opérateur du site. L’agent fédéral avait avoué avoir vendu des informations concernant l’avancée de l’enquête à Ulbricht et proposé à ce dernier d’échapper au FBI moyennant plusieurs centaines de milliers de dollars en bitcoins. Par la suite, Force avait également avoué avoir transféré des bitcoins saisis durant l’enquête vers ses portefeuilles. Après avoir plaidé coupable en juillet, il avait ainsi été condamné à 78 mois de prison pour entrave à la justice, blanchiment d’argent, et extorsion de fonds.
Mais Carl Force n’est pas le seul agent corrompu dans cette affaire. Shaun Bridges, ancien agent des services secrets qui travaillait également sur le dossier Silk Road, avait avoué devant la cour fédérale de San Francisco avoir détourné 820 000 dollars en bitcoins. Il avait pour cela utilisé un compte administrateur du site afin de vider plusieurs comptes d’utilisateurs.
Le comité de soutien
Mené par la mère du condamné et soutenu par la mouvance libertarienne, un comité de soutien se bat depuis dix ans pour obtenir la libération de Ross Ulbricht. Ce matin, ce comité a exprimé sa reconnaissance au président Trump :
« Donald Trump, les mots ne peuvent exprimer à quel point nous lui sommes reconnaissants. Le président Trump est un homme de parole et il vient de sauver la vie de Ross. ROSS EST UN HOMME LIBRE !!!!! »
Conclusion
Les mésaventures de Ross Ulbricht, Carl Force et Shaun Bridges nous enseignent que bitcoin est un moyen de paiement très peu adapté aux activités illicites. Lorsqu’un agent des stup vole une liasse de billets à un narcotrafiquant, cela ne laisse rarement de traces. En revanche les transactions en BTC sont inscrites publiquement et pour toujours dans le grand registre de Bitcoin.
Ce n’est donc pas à ces activités, devenues marginales, que Bitcoin tient sa valeur. D’ailleurs, contrairement à ce qu’on pourrait penser, lors de la chute de Silk Road, le cours du bitcoin n’a été affecté que pendant 24 heures et, 15 jours à peine après la fermeture du site, il a entamé une hausse spectaculaire, passant d’une centaine de dollars à plus de mille en novembre 2013.
Quant à Ross Ulbricht, le président des Etats-Unis estime qu’il a payé pour ses erreurs. Le voilà libre après dix ans de détention.
Edward Snowden ne bénéficiera probablement pas de la même clémence… dommage.