Bitcoin : Pour en finir avec les stéréotypes idéologiques

0
82

Traduction d’un article de Win Ko Ko Aung publié dans Bitcoin Magazine le 27 novembre 2024.

Quelques heures seulement après l’annonce des résultats des élections américaines, j’ai reçu des messages d’amis qui transpiraient de préjugés surprenants. Ce furent des congratulations pleines d’ironie : « Félicitations, votre camp a gagné », ou de la désapprobation : « C’est pathétique ! » ou « Je suis choqué que les Américains aient voté pour Hitler ». Un ami m’a même dit : « Tu as eu de la chance de trouver la sécurité aux États-Unis en tant que réfugié sous l’administration Biden. Les réfugiés et les demandeurs d’asile vont maintenant faire face à de grandes difficultés, mais bon, tant que c’est bon pour ton Bitcoin… » Beaucoup de ces amis ont des postes de haut niveau ou sont étudiants à l’université.

En tant que titulaire d’une carte verte, je n’avais pas le droit de voter, mais je comprends leur grande déception de voir leur candidat perdre. Leur frustration était dirigée contre moi parce qu’ils connaissent ma ferveur pour Bitcoin et savent que je travaille dans ce domaine. Mais faire de moi un bouc émissaire en dit moins sur ce que je suis que sur leur compréhension limitée de ce que représente la valeur de Bitcoin.

Je suis conscient que dans ce paysage politique hautement polarisé, les stéréotypes idéologiques sont exacerbés pendant la période électorale, particulièrement dans les espaces où la pensée innovante devrait être encouragée. La remise des diplômes de l’Université d’État de l’Ohio fut un exemple parfait de ce biais idéologique, lorsque le discours de Chris Pan sur Bitcoin a été largement hué par les étudiants présents lors de la cérémonie. J’admire le courage qu’il a fallu pour tenir bon devant plus de 60 000 personnes. Je suppose que la plupart de ces étudiants diplômés n’ont jamais connu l’hyperinflation ou grandi sous des régimes autoritaires, ce qui a probablement déclenché une réaction de « rejet automatique » de concepts auxquels ils n’ont pas été confrontés dans leur expérience personnelle.

J’ai rencontré une résistance similaire au cours de mon parcours universitaire inachevé. Pendant mes études à Georgetown, j’ai eu plusieurs conversations stériles avec des professeurs et des étudiants qui considéraient Bitcoin comme un outil d’extrême droite. Un jour, un professeur m’a dit : « Win, ce n’est pas parce que la cryptomonnaie (il n’a pas utilisé le terme Bitcoin) vous a aidé, vous et votre peuple dans votre pays d’origine, qu’elle est un outil à promouvoir – la plupart des gens finissent par se faire arnaquer en Amérique et dans de nombreuses régions du monde. Je t’encourage à creuser le sujet ». La dynamique du pouvoir dans les milieux universitaires décourage souvent les points de vue divergents, c’est pourquoi j’ai fini par m’abstenir de discuter de Bitcoin avec mes professeurs.

La liberté d’expression est une valeur fondamentale des Américains. Mais j’ai observé que certains groupes ou communautés qualifient de « racistes » toute personne avec laquelle ils ne sont pas d’accord. Dans les cas les plus extrêmes, cette réaction peut aller jusqu’au licenciement, l’expulsion d’une école ou la cyberintimidation. Je ne dis pas évidemment pas que le racisme n’existe pas dans la société américaine ou ailleurs ; je crois d’ailleurs fermement que des formes de racisme, qu’elles soient directes ou plus subtiles, sont toujours bien vivantes aujourd’hui.

Bitcoin fonctionne pourtant sur des principes entièrement différents. Bitcoin n’a pas de frontières, n’a pas de dirigeant et accepte toutes les nationalités, toutes les couleurs de peau, sans exiger aucune pièce d’identité. Les habitants des pays déchirés par la guerre convertissent leurs économies en Bitcoin pour traverser les frontières en toute sécurité, les défenseurs des droits de l’homme reçoivent des dons en Bitcoin et les femmes vivant sous le joug des talibans sont payées via le réseau Bitcoin.

Bitcoin n’a évidemment rien de raciste, c’est au contraire un outil d’autonomisation pour quiconque est prêt à participer. Bitcoin n’a rien de xénophobe car il donne à ceux qui sont contraints de fuir leur foyer le pouvoir de transporter l’énergie économique durement gagnée au-delà des frontières et de participer à une autre économie lorsque toutes les autres options sont fermées. Il soutient les activistes, souvent qualifiés de « criminels » par les régimes autoritaires, quand on gèle leurs comptes bancaires. Pour les femmes qui subissent un régime misogyne, Bitcoin offre une rare chance d’indépendance financière.

Pour revenir au contexte des élections américaines, Bitcoin non seulement égalise les règles du jeu pour les personnes vivant dans les endroits les plus oubliés du monde, mais il ouvre également de nouvelles opportunité aux candidats à la présidence américaine pour s’engager auprès de cette communauté croissante. Le président élu Donald Trump a fait des promesses audacieuses concernant Bitcoin, signalant une politique favorable. En revanche, l’équipe de campagne de la candidate démocrate à la vice-présidence Kamala Harris a apparemment refusé de soutenir la communauté Bitcoin, comme en témoigne cette déclaration de Grant McCarty, cofondateur du Bitcoin Policy Institute : « Je peux confirmer que l’équipe de campagne de Harris s’est vu offrir des MILLIONS de dollars de la part d’entreprises, de comités d’action politique et d’individus qui souhaitaient simplement qu’elle organise des réunions avec des acteurs clés du secteur afin d’éclaircir son plan et sa politique sur ce sujet. L’équipe de campagne n’a jamais pris ces demandes au sérieux ». La plupart des gens n’en sont, je crois, pas conscients, et le biais de confirmation conduit souvent à supposer que tous les partisans de Bitcoin soutiennent toutes les politiques de l’autre camp, y compris les changements drastiques potentiels des engagements humanitaires de l’Amérique tels que le traitement des réfugiés et les programmes d’asile, la lutte contre la traite et la protection des populations vulnérables, ainsi que l’aide étrangère et les secours en cas de catastrophe.

La plupart des gens dans le monde manquent d’infrastructures économiques stables ou d’accès à des prêts hypothécaires à long terme ; ils vivent et gagnent de l’argent avec des devises plus volatiles que les pires cryptomonnaies et, dans certains cas, leur monnaie est plus risquée que des jetons de casino.

L’expérience des monnaies fiduciaires a échoué pour la majorité des gens sur cette planète. Je pense que le Bitcoin et ses défenseurs méritent d’être évalués sur leurs mérites et leur impact global, plutôt qu’à travers le prisme binaire des préjugés politiques, des termes galvaudés ou des catégorisations réductrices, parfois erronées mais socialement acceptées, qui permettent à certains d’éluder le nécessaire apprentissage et de renforcer leurs hypothèses sans les remettre en question.

Source : https://bitcoinmagazine.com/culture/bitcoin-is-neither-racist-xenophobic-nor-misogynistic-a-response-to-ideological-stereotyping-


A propos de l’auteur

Win Ko Ko Aung est né et a grandi en Birmanie. Il travaille à la Human Rights Foundation et au Bitcoin Policy Institute.