Conçu à l’origine comme un substitut électronique aux euros sonnants et trébuchants, l’euro numérique de Banque Centrale a désormais un cadre d’application. Une nouvelle réglementation, assortie d’une feuille de route, a été adoptée à l’issue d’un large débat démocratique entre des représentants de la BCE et des banques commerciales de la Zone Euro.
S’il n’est plus question de permettre aux commerçants de détenir des euros numériques dans leur caisse, ni aux particuliers d’en posséder des montants autres qu’anecdotiques, encore moins aux banques d’offrir un rendement sur ce type d’actifs, en revanche la porte est désormais largement ouverte pour toutes sortes d’usages non monétaires. La BCE a ainsi présenté une ambitieuse feuille de route qui devrait rendre l’euro numérique incontournable pour tous les citoyens de l’UE.
Ainsi, dès 2028, les supermarchés seront équipés d’un système permettant de libérer les chariots sans jeton physique, à l’aide d’un simple euro numérique envoyé par une application Bluetooth vers un bloc électronique libérant la chaîne de sécurité. Ce système « blockchain » sera ensuite déployé sur d’autres appareils, comme les chariots à bagage des aéroports.
Mais l’innovation ne s’arrête pas là. Dès 2030 un autre dispositif équipera toutes les capsules de bouteille. Le décapsulage avec une pièce de deux euros est un autre cas d’usage significatif auquel la BCE se devait de répondre. La Commission Européenne réfléchit donc à une nouvelle norme qui imposerait aux limonadiers d’équiper leurs bouteilles d’un dispositif électronique permettant de dégager la capsule à l’aide d’une pièce numérique de deux euros.
D’autres projets sont également à l’étude, comme une application mobile permettant de tirer à pile ou face, ou, pour les numismates, l’émission d’euros numériques non fongibles à l’effigie de Christine Lagarde et d’Agustín Carstens.
Enfin, de façon plus anecdotique, l’euro numérique sera également utilisé, et cela dès sa mise en service, pour protéger les citoyens d’eux-mêmes par un monitorage fin de leurs transactions.
« Il faut se projeter dans l’avenir, si, à la faveur d’un effondrement économique, des gouvernements autoritaires venaient à remplacer progressivement les régimes actuels, les nouveaux dirigeants auront à leur disposition une base de donnée complète sur les activités de leurs concitoyens, ce qui leur sera bien utile pour lutter contre toute forme de dissidence. La mission des banques centrales c’est aussi de prévoir tous les scénarios. » – Ide Menalote, responsable de Pôle innovation de la Banque de France.
Source : Rapport de la BCE du 01.04.24