Interview de Nicolas Christin

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Nicolas Christin est chercheur à l’université Carnergie Mellon (Etats-Unis) et spécialiste de la sécurité informatique.

Il a donné aujourd’hui une interview à la Libre Belgique à propos de certains usages de Bitcoin.

Source : lalibre.be


Quel volume de bitcoins est utilisé sur le site de vente de drogue, S… ?

Nous avons étudié le site sur les six premiers mois de l’année 2012. Le volume des transactions était à peu près de 15 millions de dollars. A priori, cela représentait 5 % du total de bitcoins en circulation à l’époque, mais c’est une estimation. Le trafic sur le site était en augmentation constante, il n’y a pas eu d’étude depuis, mais l’on peut penser que les ventes ont encore progressé depuis.

Et Bitcoin permet aux acheteurs d’envoyer de l’argent de façon complètement anonyme ?

Il faut prendre un certain nombre de précautions. Toutes les transactions sont anonymes mais publiques, en analysant les données publiées par le logiciel de partage, on peut a priori établir qui a fait quel achat. Les utilisateurs de S… utilisent d’autres composants qui aident à rendre les transactions anonymes. L’autre risque, c’est qu’il faut se procurer les bitcoins auprès d’un intermédiaire, pour transformer sa monnaie en bitcoin.

Et les vendeurs n’escroquent pas les utilisateurs ?

C’est la beauté et le danger de Bitcoin, toutes les transactions sont définitives, on ne peut pas annuler comme avec une carte bleue. Si on se fait pirater son « portefeuille », on peut se faire voler tout son argent et ne rien pouvoir y faire. Pour les ventes, des sites comme Silk Road utilisent un système de tiers parti. Le site reçoit l’argent, attend que l’acheteur reçoive le produit, et l’envoie au vendeur.

Le Trésor américain apporte-t-il une réponse appropriée aux questions posées par Bitcoin ?

Il n’y a pas beaucoup de transactions de plus de 10 000 dollars aujourd’hui. D’ailleurs, le plus gros site d’échange, Mt Gox, les interdit déjà. Les grosses transactions pourraient se multiplier dans le futur mais, pour l’instant, ça reste exotique, comme cet homme qui a vendu sa maison en bitcoins au Canada.

Ces achats massifs de bitcoins sont-ils un investissement sûr ?

Certains traitent bitcoin comme de l’or ou de l’argent. C’est le protocole même de bitcoin qui veut ça, avec son nombre fixe. Mais le problème, c’est que pour l’instant, la majeure partie des achats sont spéculatifs. Il y a quelques exceptions, quelques sites, comme WordPress, qui acceptent d’être payés en bitcoins. L’autre problème, c’est la sécurité. Si on achète des bitcoins sur un site que se fait pirater, on perd tout son argent.

Comment envisagez-vous le futur de cette monnaie ?

Si j’avais la réponse, je ferais fortune. Pour l’instant, le plus gros des transactions reste de la spéculation ou de l’achat de drogue, mais ça peut changer. Au tout début d’Internet, la majorité des sites étaient pornographiques. Les sites illégaux vont continuer d’utiliser Bitcoin ou des systèmes similaires, pour eux c’est une question de survie. Mais est-ce que le grand public peut s’y mettre ? Ce n’est pas sûr. La valeur croît trop rapidement, c’est plus avantageux de les garder. De plus, l’utilisation reste complexe. Et surtout, on ne peut pas acheter tant de choses que ça. Si un gros site, comme Amazon, s’y mettait, cela aiderait. Mais personne ne sait si la monnaie va se développer ou être un instrument spéculatif.