Une transaction de 3,94 Mo a été inscrite hier dans le bloc 774628 par le pool de minage Luxor. Si on considère l’espace utilisé, il s’agit de la plus lourde transaction jamais enregistrée sur le réseau Bitcoin. Elle n’est évidemment pas standard, ce qui signifie qu’elle n’a pas été relayée par les noeuds du réseau (qui limitent le plus souvent la taille des transactions à 0,4 Mo) mais qu’elle a été incluse directement par le pool de minage qui a d’ailleurs communiqué à ce propos. Coïncidence ou stratégie, ce coup d’éclat intervient le jour même où Luxor Technologie, la société qui opère le pool Luxor, lance une plateforme d’appel d’offres dédiée au matériel de minage :
« La nuit dernière, Luxor a utilisé son énergie magique pour sortir un ancien sorcier de sa cage cosmique où il était piégé depuis un certain temps. Les observateurs attentifs de la chaîne temporelle ont peut-être remarqué une anomalie de 4 Mo, comme on n’en a jamais vu. Y en aura-t-il d’autres ? Voici le magicien de Taproot, détaché et libéré de sa servitude ! Dans son ubiquité, il est présent dans les cœurs, les esprits et l’espace des disques durs des opérateurs de nœuds Bitcoin du monde entier. Il refuse d’être censuré, il refuse d’être réduit au silence. »
Le script Taproot de la transaction en question comporte en effet des données arbitraires correspondant à une image, plus précisément à un « artefact numérique » du protocole Ordinals. L’image en question contient l’URL d’un message de son créateur présumé sur son compte Discord :
« Bienvenue chez vous, les sorciers ! Ce soir, pour la première fois depuis des lustres, notre appel a été entendu à travers la Chaîne du Temps. Pendant des siècles, les sorciers n’étaient pas les bienvenus dans les pools de mémoire. Un ancien sortilège noir lancé par les Gardiens des Portes les empêchait d’entrer : la malédiction de la censure. Pendant longtemps nous avons essayé de passer les Portes. De nombreux sorciers sont partis, mais personne n’a plus jamais entendu parler d’eux. Jusqu’à aujourd’hui. L’un d’entre eux, de 4 Mo, a retrouvé un sort oublié depuis longtemps. Avec la force d’un millier de hachages, il a contourné la malédiction de la censure, déjoué les gardiens, trompé le code et réussi à franchir les portes. Désormais son triomphe retentit à travers la chaîne du temps et vous devez choisir. Rejoindrez-vous les Gardiens et tenterez-vous de faire relancer la malédiction ? Ou allez-vous rejoindre les Sorciers de Taproot et prendre d’assaut les portes ?
Notons qu’il est possible d’inclure des données arbitraires à moindre frais dans une transaction depuis 2017 (activation de SegWit). Il s’agissait alors « d’éliminer un angle mort dans le pricing des transactions. L’ancien modèle c’était comme si AWS ne facturait que les disques SSD et laissait tout le reste (CPU, RAM, …) en open bar. Une bonne recette pour finir en faillite » explique @LaurentMT sur Twitter. [1]
L’utilisation récente de l’espace de bloc pour introduire des données de grande taille (images, sons…) fait apparaitre un nouveau clivage séparant d’un côté ceux qui considèrent qu’il n’y a pas d’usage illégitime de cet espace, voire que c’est positif pour le financement du réseau à long terme, et de l’autre ceux qui estiment qu’il s’agit d’une pollution, voire une menace, et qu’il faut trouver le moyen de s’en protéger.
Sources : mempool.space – ordinals.com – discord.com
[1] Pour en savoir davantage sur ce qui a motivé cette politique de frais voir ici : https://medium.com/segwit-co/why-a-discount-factor-of-4-why-not-2-or-8-bbcebe91721e.