Semaine crypto-rigolote

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On a pris l’habitude de dire que les hausses brutales du Bitcoin faisaient sortir les cons des bois (je ne blasphème pas, je cite Brassens), on avait oublié depuis quelques temps que les baisses pouvaient être pentues et faire sortir en plus des susnommés les fakes news et leurs propagateurs affolés.

Bitcoin, dans le brouhaha médiatique du début de semaine, est mort et ressuscité, comme des centaines de fois malgré son jeune âge : Il a noirci au charbon, il a blanchi aussi, il a été néolibéralisant, il a été communisant, il a été le diable, la sorcière au bûcher.

Dans ce brouhaha, donc, deux moments de TV se sont distingués, le 20 mai, l’un excellent, l’autre pitoyable.

Le pitoyable, c’est France2, journal de 20h. On reprend la même boucle visuelle qu’en 2017, des jetons de casino roulant sur le tapis vert ; c’était choquant il y a quatre ans, c’est ridicule aujourd’hui, mais passons. On annonce d’un coup que « La Chine veut INTERDIRE le bitcoin ».

Ça, c’est grave. Parce que c’est totalement faux ; l’auteur du sujet est la victime du FUD chinois et balance au JT du 20h de France 2, chaine publique, une fake news sans aucune vérification. Amateurisme navrant, quand on sait que la veille, le 19 mai, Bitcoin.fr avait efficacement debunké cette histoire.

C’est grave, mais en fait, c’est bien plus grave que ça : je découvre sur twitter le témoignage d’Alexandre Statchtenko, Boss de KPMG Blockchain, qui affirme avoir parlé au journaliste le matin même et lui avoir expliqué que c’était un fake, ce coup de la Chine.

Alors, peut-être que le démenti d’Alex est encore en train de voyager dans les couloirs de France TV et qu’il sera diffusé ce soir au journal ; ça dénoterait un certain déficit d’efficacité, mais ce serait tellement moins grave que d’imaginer que ce démenti, ils l’ont juste ignoré.

Je ne veux pas croire que la deuxième option soit réaliste pour un journal référent aussi important pour les Français, j’attends donc confiant des news fraiches au 20h de ce soir.

Ça c’était le moment TV tout moisi ; l’autre, le bon, nous était offert par BFMTV qui recevait le patron du crédit Mutuel. L’interviewer fait bien son job, assène trois questions pas franchement déstabilisantes, mais bien enchainées et les résistances de M. Baal tombent. Tout à coup, la caméra saisit la détresse de l’invité, probablement un honnête homme, assailli de scrupules au moment où il doit descendre le meilleur actif de la décennie, celui qui pourrait éventuellement mettre à l’abri le citoyen de la catastrophe financière qui s’annonce. Il débite alors sans conviction aucune une tirade préparée, sa gêne est palpable, c’est de la bonne télé.

Sur les réseaux aussi, on a vu les meilleurs des experts du marché faire des oh et des ah, et commenter plus ou moins scotchés ce que tous ont appelé un krach. Moi je n’ai rien de leur expertise, j’ai toujours ignoré la bourse et le jeu. Mais je sais qu’il n’y a pas eu de krach : en bourse, si le CAC 40 fait +10% dans l’année, régulièrement, et qu’il perd d’un coup 10%, c’est un krach. Sur bitcoin, qui fait +160% par an depuis 10 ans, une baisse de 10% est insignifiante, une de 20% est classique. C’est une chute de 80% qu’il faudrait pour parler de krach. On sait que Bitcoin est multiforme et différent de tout ce qu’on connaissait avant, mais on continue de regarder son prix se faire avec les lunettes du boursicoteur à la papa, à le commenter avec le vocabulaire du vieux monde et ainsi à générer un stress totalement disproportionné chez les nouveaux arrivants.

Au moment où j’écris ces lignes, le comité de stabilité financière et du développement du conseil d’état Chinois publie le compte rendu d’une réunion qui déjà défraie la chronique : On y parle de transformation verte, puis de « réprimer l’extraction de bitcoin ». Le FUD chinois bat son plein, les commentateurs toujours à l’affût du chant du cygne bitcoinien y voient une grande nouvelle, une menace inédite, la probable interdiction à venir du mining chinois. De ma fenêtre, c’est une déclaration d’intention de plus, qui au mieux conduira à ne plus miner que sur les surplus, au pire ne conduira à rien du tout. C’est donc une potentielle bonne nouvelle qui est saluée contre toute logique par le marché d’une baisse de 10%…

Cela confirme ma conclusion, simple, en forme de clin d’œil à notre chère Madame Assouan : le trading, n’y touchez pas, HODL.


A propos de l’auteur

Sébastien Gouspillou est cofondateur et Président de BigBlock Datacenter, société nantaise qui conçoit et gère à travers le monde des unités dédiées au minage de bitcoins.