Jugeant sans doute qu’un débat au parlement serait une perte de temps inutile, Bruno Le Maire, Sébastien Lecornu, et Olivier Dussopt [1] ont présenté aujourd’hui une ordonnance qui alourdit les contraintes qui pèsent sur les plateformes « crypto » traitant l’euro, et qui les étend aux plateformes crypto/crypto.
En lisant entre lignes, on comprend rapidement que les grandes plateformes étrangères (Kraken, Coinbase, Binance…) échapperont facilement à ces contraintes. Il leur suffira de ne pas cibler spécifiquement le marché français et de ne pas avoir de bureaux en France. Ces grands exchanges pourront donc continuer à grignoter la faible part de marché que se disputaient encore les acteurs nationaux.
Les réactions sont nombreuses dans la cryptosphère française et un nouveau hashtag monte en puissance sur Twitter en référence à une autre success story française dans le domaine du numérique: #3615crypto (merci Claire).
« Une mesure unilatérale – sans consulter des députés – pour donner l’impression que l’on fait quelque chose contre le terrorisme. Vive la « Démocratie Française ». La réalité c’est que cela n’aura pas d’impact sur le terrorisme, mais va saboter l’écosystème crypto français » – Association CryptoFR.
« La France fait les gros tires de la presse crypto internationale ! TheBlock, Coindesk… Enfin, on vante notre superbe crypto nati… ah, non, on parle de la mesure KYC-AML contre-productive du jour. Good job. #3615crypto » –@simonpolrot, président de l’ADAN.
Le communiqué de presse du Gouvernement :
« Les actifs numériques (« crypto-actifs ») présentent des opportunités importantes pour l’économie. Le Gouvernement en a pleinement conscience et l’entrée en vigueur de la loi Pacte a permis de développer, d’encadrer et d’encourager l’émergence d’un écosystème adapté au développement des actifs numériques en France.
Toutefois, le démantèlement, en France, au mois de septembre dernier, d’un réseau de financement terroriste recourant à des transactions en actifs numériques, rappelle l’existence de détournements criminels contre lesquels il est nécessaire de lutter. Les travaux du Groupe d’action financière (GAFI), mais aussi ceux du G7 et du G20 ont également souligné la nécessité d’agir dans cette voie. Le Gouvernement souhaite ainsi favoriser le développement des crypto-actifs dans les meilleures conditions de sécurité et d’attractivité.
Afin de lutter plus efficacement contre ces risques de détournement et de protéger l’intégrité financière de notre économie, cette ordonnance, prise sur le fondement de l’article 203 de la loi Pacte, soumet aux obligations posées par le code monétaire et financier en matière de LCB-FT les activités d’échanges d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques (échanges dits « crypto-to-crypto ») et les plateformes de négociation d’actifs numériques. Elle complète ainsi, en application des recommandations du GAFI, le cadre juridique issu de la loi Pacte qui avait déjà inclus, dans le champ des entités assujetties à la LCB-FT, les prestataires de services d’échanges entre actifs numériques et monnaie ayant cours légal (échanges dits « crypto-to-fiat ») et les services de conservation d’actifs numériques pour le compte de tiers.
Les mêmes obligations s’imposeront dorénavant à l’ensemble de ces acteurs, notamment en matière d’évaluation de leurs risques LCB-FT, de connaissance client et vérification des bénéficiaires effectifs, de coopération avec les services de renseignement et de gel des avoirs.
Cette ordonnance renforce la lutte contre l’anonymat des transactions en actifs numériques en incluant les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) parmi les entités ayant l’interdiction de tenir des comptes anonymes.
De nouvelles dispositions réglementaires seront présentées afin d’accélérer la mise sur le marché de solutions d’identification numérique pour les transactions en actifs numériques. Cette demande, qui émane des acteurs de l’écosystème, permettra de lutter contre l’anonymat des transactions en actifs numériques tout en facilitant l’identification des utilisateurs.
Par ailleurs, afin de renforcer l’attractivité et la compétitivité de la Place de Paris en l’absence de cadre européen harmonisé en la matière, cette ordonnance allège les contrôles préalables auxquels étaient soumis les PSAN visés par la loi Pacte en les restreignant aux seules obligations les plus décisives en matière de LCB-FT.
Enfin, afin de réduire les risques que pourraient porter des acteurs européens exerçant en France sous le régime de la libre prestation de services et éviter toute distorsion de concurrence entre ces derniers et les PSAN établis en France, cette ordonnance confirme les obligations d’enregistrement préalable applicables aux acteurs étrangers désireux de cibler le marché français sans y avoir d’établissement fixe.
Ce cadre national renforcé sera particulièrement valorisé dans le cadre de l’évaluation de notre dispositif national de LCB-FT par le GAFI. Il sera également promu au niveau européen dans la perspective de la présentation par la Commission européenne, au premier semestre 2021, d’une proposition législative refondant le système européen de supervision LCB-FT.«
Source : minefi.hosting.augure.com
[1] Respectivement ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, ministre des Outre-mer, et ministre délégué chargé des Comptes publics.