Etats-Unis : le Comité des banques demande un moratoire sur Libra

7
219

Dans un courrier publié hier et adressé à Mark Zuckerberg, Sheryl Sandberg, et David Marcus (Calibra), l’United States House Committee on Financial Services, qui supervise aux Etats-Unis l’ensemble du secteur des services financiers, demande un moratoire immédiat sur toute avancée concernant la « cryptomonnaie » Libra et l’application Calibra : « Il semble que ces produits pourraient conduire à un tout nouveau système financier mondial, basé en Suisse et entrant en concurrence avec le dollar et à la politique monétaire américaine.

Cela soulève de sérieuses questions en matière de vie privée, de commerce, de sécurité nationale et de politique monétaire, non seulement pour les plus de deux milliards d’utilisateurs de Facebook, mais également pour les investisseurs, les consommateurs et l’ensemble de l’économie mondiale.

Le 18 juin 2019, Facebook a annoncé son intention de développer une nouvelle devise, appelée Libra, et, sous le nom de Calibra, un portefeuille numérique destiné à stocker les clés cryptographiques. Pour mener à bien dans ce projet, Facebook a rassemblé 27 autres entreprises et organisations et a créé l’association Libra, basée en Suisse. Ces sociétés couvrent les secteurs des services financiers et de la vente au détail et comprennent des systèmes de paiement tels que Mastercard, Paypal et Visa, ainsi que des géants de la technologie tels que Uber, Lyft et Spotify. Facebook espère recruter plus de 100 entreprises au sein de l’association Libra pour le lancement prévu début 2020.

Bien que Facebook ait publié un “livre blanc” sur ces projets, les maigres informations fournies sur les intentions, les rôles, l’utilisation potentielle et la sécurité de Libra et de Calibra révèlent l’ampleur des risques et l’absence de protections réglementaires claires. Si des produits et services tels que ceux-ci ne sont pas réglementés correctement avec une surveillance suffisante, ils risquent de présenter des risques systémiques mettant en péril la stabilité financière des États-Unis et du monde. Ces vulnérabilités pourraient être exploitées par des acteurs malveillant, comme l’ont déjà été d’autres cryptomonnaies, échanges et portefeuilles. D’ailleurs des régulateurs du monde entier ont déjà exprimé des préoccupations similaires, illustrant la nécessité d’une surveillance solide.

Les investisseurs et les consommateurs effectuant des transactions en libras peuvent être exposés à de graves problèmes de confidentialité, de sécurité nationale, de cybersécurité et de trading. Ceux qui utilisent le portefeuille numérique de Facebook – stockant potentiellement des milliards de dollars sans dépôt de garantie – peuvent également devenir des cibles pour les pirates. Par exemple, au cours des trois premiers trimestres de 2018, des pirates informatiques ont volé près d’un milliard de dollars sur des bourses d’échanges de cryptomonnaies. Le système pourrait également fournir une plateforme insuffisamment réglementée pour les activités illicites et le blanchiment de capitaux.

Ces risques sont encore plus criants à la lumière du passé trouble de Facebook, qui n’a pas toujours gardé les informations de ses utilisateurs en sécurité. Par exemple, Cambridge Analytica, un cabinet de conseil politique recruté dans le cadre de la campagne Trump de 2016, a au accès aux données privées de plus de 50 millions d’utilisateurs de Facebook qui furent utilisées pour influencer leur comportement de vote. En conséquence, Facebook doit s’attendre à payer des amendes pouvant aller jusqu’à 5 milliards de dollars à la Federal Trade Commission (FTC) et reste soumis à une ordonnance de la FTC pour avoir trompé les consommateurs et ne pas avoir préservé la confidentialité de leurs données. Début 2019, Facebook a également supprimé plus de 2,2 milliards de faux comptes, dont certains affichaient de la propagande terroriste et des discours de haine. L’entreprise a également été récemment poursuivi en justice par deux groupes de défense des droits civils ainsi que par l’U.S. Department of Housing and Urban Development pour violation par la régie publicitaire de Facebook et à l’aide d’algorithmes d’exécution, des lois sur le logement équitable.

Facebook ayant entre les mains plus du quart de la population mondiale, il est impératif que cette société et ses partenaires mettent immédiatement un terme à leurs plans de mise en œuvre jusqu’à ce que les régulateurs et le Congrès aient eu la possibilité d’examiner les différents problèmes et qu’ils aient pris des mesures. Pendant la durée de ce moratoire, nous avons l’intention d’explorer diverses solutions législatives et d’organiser des audiences publiques sur les risques et les avantages des activités basées sur la cryptographie. Si nous ne suspendons pas la mise en œuvre de ce projet tant que nous pouvons encore le faire, le risque c’est de voir naitre en Suisse un nouveau système financier “too big to fail”. »

David Marcus, responsable de la division Libra de Facebook, doit être auditionné par la commission bancaire du Sénat le 16 juillet puis le lendemain par la commission des services financiers de la Chambre des Représentants.

Source : financialservices.house.gov