Cyril Fiévet, ingénieur, journaliste et auteur, s’est intéressé à cette question sur son blog comprendrebitcoin.com.
Envoyer de l’argent de personne à personne, d’un pays à un autre, est une pratique courante aujourd’hui. Si certains de vos amis ou membres de votre famille sont partis vivre à l’étranger, ou si vous êtes un expatrié travaillant dans un pays tiers, vous allez certainement, et même parfois régulièrement, devoir procéder à des transferts de fonds d’un pays à un autre.
Pour le cas des travailleurs émigrés, il existe d’ailleurs un mot anglais pour décrire cette pratique : remittances. Une remittance désigne l’envoi, par un travailleur expatrié, d’une partie de son salaire à sa famille restée dans son pays d’origine. Plus globalement, le mot est synonyme d’envoi de sommes d’argent relativement faibles (de l’ordre de centaines d’euros), d’un pays à un autre.
Ces remittances font l’objet de nombreuses études, et la Banque Mondiale y consacre des rapports réguliers, ainsi qu’un vaste site Web. Et pour cause, le volume total annuel des transferts de fonds a représenté un volume conséquent de 542 milliards de dollars en 2013, envoyés par 232 millions de personnes. La Banque Mondiale estime que le volume global dépassera les 600 milliards de dollars en 2015.
Là où le sujet devient intéressant, sous l’angle Bitcoin, est quand on considère les frais financiers accompagnant ces transferts : en janvier 2015, la Banque Mondiale estime que les frais afférents à l’envoi de 200$ à l’étranger sont en moyenne de 8% (et a d’ailleurs pour ambition de les faire baisser à 5% en cinq ans).
Le calcul est facile à faire : chaque année, ces petits transferts internationaux génèrent donc entre 40 et 50 milliards de dollars en frais d’envoi. Un joli gâteau, que se partagent aujourd’hui banques et organismes financiers spécialisés.
Evidemment, ce 8% est une moyenne globale. La France n’est pas un très bon élève dans ce domaine et les frais y sont en moyenne supérieurs à 10%. Par exemple, envoyer de l’argent en Algérie depuis la France est assorti de frais de 13,5%. Concrètement, envoyer 140€ vous coûtera en moyenne 19€. Et certaines banques vous factureront ce service 37€ (!).
Quand on connaît Bitcoin, cela paraît choquant. Envoyer l’équivalent de 200€ via Bitcoin (c’est-à-dire environ 1 bitcoin), n’importe où dans le monde, générera des frais négligeables (très inférieurs à 1%).
A cela s’ajoute le facteur temps : s’il existe des services quasi immédiats, comme Western Union ou MoneyGram, les transferts bancaires, eux, nécessitent en général trois jours, voire beaucoup plus. Avec Bitcoin, il faut au maximum 10 minutes (souvent moins) pour envoyer n’importe quelle somme n’importe où.
En résumé, on a d’un côté des systèmes souvent lents (parfois très lents), relativement chers (parfois très chers) et de l’autre on a Bitcoin, avec des transferts quasi immédiats et quasi gratuits. Il n’est pas nécessaire d’être un génie de la finance pour comprendre que les gens vont rapidement plébisciter une solution efficace, bon marché et parfaitement adaptée à leurs besoins, pour envoyer des fonds à l’étranger.
Sans surprise, le marché des remittances suscite un fort intérêt dans l’univers Bitcoin. Plusieurs services spécialisés dans l’envoi de fonds à destination de pays donnés, via Bitcoin, sont apparus ces derniers mois : Palarin pour les Philippines, BitPesa pour l’Afrique, Beam pour le Ghana, CoinPip pour plusieurs pays (Australie, Brésil, Canada, Chine), par exemple. La plupart de ces services fonctionnent de façon similaire : on envoie des bitcoins au pays d’origine, qui sont immédiatement convertis dans la monnaie locale. C’est rapide, sécurisé et assorti de frais largement plus raisonnables. Des associations se sont aussi créées pour promouvoir les monnaies électroniques, comme la Africa Digital Currency Association, qui fustige « l’oligarchie des sociétés de transfert de fonds traditionnelles et leurs frais aussi exorbitants qu’injustes ».
Il ne fait aucun doute pour moi que les transferts internationaux de petites sommes seront la première « killer application » de Bitcoin. Banques et entreprises spécialisées ont mangé leur pain blanc, et vont voir peu à peu s’effriter le pactole de plus de 40 milliards de dollars qu’elles engloutissaient jusqu’alors chaque année.
Cyril Fiévet, ingénieur, journaliste et auteur, couvre depuis une vingtaine d’années les technologies innovantes, les tendances émergentes et leur impact sur la société.
Après avoir annoncé l’avènement d’internet dès 1995, puis publié le « Que sais-je ? » sur les robots et le tout premier livre en français expliquant le phénomène des blogs (récompensé par le « Trophée de l’économie numérique » en 2004), il a publié en 2013 « Body Hacking », décrivant la fusion attendue de l’humain et de la machine.
« Comprendre Bitcoin et les crypto-monnaies alternatives » est son septième livre et son premier ebook.
Actuellement responsable des pages actualités du magazine mensuel de vulgarisation scientifique « Comment ça marche ? » et de la rubrique sur l’avenir des technologies dans la revue « We Demain », il est également membre de l’agence de presse suisse ATCNA et contribue régulièrement à plusieurs magazines print et Web.
Il a également lancé début 2015 le site d’information Crypto.direct, en anglais, fournissant des actualités quotidiennes sur l’usage de Bitcoin et des crypto-monnaies ainsi que le blog en français comprendrebitcoin.com.