Un autre regard sur la fiscalité des crypto-monnaies

34
698

Les articles, vidéos ou conférences sur la fiscalité des crypto-monnaies se multiplient, peut-être ressentez-vous une certaine overdose 🙂 Je me suis essayé à un article de fond, critique et proposant une solution pour sortir de l’impasse proposée par le Bofip.

La fiscalité des crypto-monnaies est un sujet ô combien complexe et surtout aux interprétations les plus diverses sur un sujet qui devrait pourtant être simple. La faute n’incombe pas aux contributeurs mais plutôt à l’administration fiscale qui est incapable d’adopter une position à la fois claire, compréhensible et logique sur le sujet. Car non, ne vous y trompez pas, sa position est aussi limpide qu’une rivière polluée par des nappes de pétrole !

Il est courant de lire tout et n’importe quoi sur la toile. La première page Google est assez révélatrice de cette situation. Vous avez à la fois un lien vous expliquant que vous n’avez rien à déclarer car les crypto-monnaies n’existent pas aux yeux du fisc. Un autre article est digne du fisc lui-même puisque tout devient taxable, les crypto-monnaies c’est mal et n’essayez pas de frauder le Grand Manitou ! Bien entendu, ces deux extrêmes ont tort. Je ne mettrai aucun lien pour éviter un renvoi ou une polémique inutile.

Alors, suis-je la voie de la Sagesse ? Je ne prétends pas être un saint aux yeux de l’Eglise des crypto-monnaies mais j’essaie, au mieux, de mettre à contribution mes connaissances, ma formation et mon analyse logique pour répondre aux interrogations les plus vivaces. Premièrement, je suis juriste de formation et j’exerce le métier de juriste. Ceci me permet de comprendre aisément la lecture des lois et surtout de les interpréter lorsqu’elles sont incompréhensibles car cela est mon métier. Cela ne veut pas dire que les non-juristes sont tous béats devant les textes juridiques. Mais, à la lecture des articles les mieux référencés, on peut aisément l’affirmer pour certains qui trompent leurs lecteurs. Deuxièmement, je ne suis pas avocat et fiscaliste : je n’ai donc aucun client à défendre ou à protéger en jouant la prudence absolue. Troisièmement, je possède des crypto-monnaies, ce qui n’est peut-être pas le cas de certains intervenants sur le sujet, un sujet qu’ils n’ont pas appris à l’université ou à l’Ecole du Barreau.

Bien entendu, pour les primo-investisseurs ayant débarqué en décembre 2017, la déclaration des gains ne se pose pas puisque vous êtes plutôt en moins-value 🙂 Oh j’oubliais… Vous ne pouvez pas déclarer les moins-values ! Allez, rentrons dans le vif du sujet.

Pour ceux m’ayant déjà lu sur mon blog ou sur bitcoin.fr, voici mon précédent article sur le sujet. Il n’est pas obsolète mais complémentaire car je n’aborde pas tout dans le présent article.

Comment fiscalement définir le bitcoin et les crypto-monnaies ?

J’estime que la première difficulté est un problème rarement abordé : au fond, qu’est-ce qu’une crypto-monnaie ? On l’oublie souvent mais elle n’est officiellement ni un placement boursier, ni un fonds obligataire mais, surtout pour le bitcoin, une monnaie avec laquelle vous pouvez faire quelques achats. Pourtant, elle est aujourd’hui principalement vu comme un investissement spéculatif soumis aux variations du marché de l’offre et de la demande.

Pourtant, cette acception serait bien trop simple pour votre déclaration fiscale. Mais vous pouvez d’ores et déjà exclure l’application d’une éventuelle TVA, comme je l’explique dans mon précédent article.

Qu’est-ce que le bitcoin au sens de la loi ?

Ce paragraphe sera très court pour une seule raison : les crypto-monnaies ne sont rien aux yeux de la loi car elles ne sont pas évoquées directement ou indirectement !

La loi, c’est le code général des impôts, le livre de procédures fiscales ou une loi non codifiée. On peut y ajouter les décrets voire la jurisprudence (qui n’est pas une loi mais je simplifie). Vous ne trouverez rien sur les crypto-monnaies dans ces textes de référence ou un jugement.

Mais ne vous croyez pas sorti d’affaire ! Dans de tels cas, l’administration est sauvée par son fameux Bulletin officiel des Finances publiques-Impôts, plus connu sous son acronyme Bofip.

Qu’est-ce que le Bofip et quelle est sa valeur juridique ?

Le Bofip est un immense recueil, aujourd’hui dématérialisé, regroupant « l’ensemble des commentaires de la législation fiscale publiés par la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) ». En d’autres termes, le Bofip présente un intérêt certain pour interpréter au mieux des dispositions fiscales ambiguës ou peu claires. Le contribuable peut alors se prévaloir d’une interprétation qui lui serait favorable (oui, cela arrive avec le fisc).

Quid de la valeur juridique du Bofip ? Une fouille un peu poussée sur internet, incluant une base de données juridique bien connue, n’apporte aucune véritable réponse. La seule référence légale évoquant une quelconque valeur juridique du Bofip est l’article L. 80 – A du Livre des procédures fiscales (LPF)… sans répondre à la question. En revanche, une note du vénérable Bofip (voir n° 70) précise que le deuxième alinéa de cet article L.80-A doit être entendu comme « les commentaires de portée générale et les prises de position doctrinales de l’administration fiscale ne sont opposables que s’ils caractérisent une réelle interprétation des textes fiscaux et sont publiés ». Dit plus simplement, il est possible de se prévaloir du Bofip si la note en question est publiée et si elle permet d’éclaircir un texte fiscal.

Évitons l’embrouille et restons dans la simplicité. Dans la hiérarchie des normes, le Bofip est apparenté, de loin, aux circulaires. Or, la sentence tombe rapidement : les circulaires n’ont aucune valeur juridique. Cette acception ne vient pas d’un hurluberlu mais du site internet Legifrance, portail officiel du droit français (cliquez sur le lien précédent:). On pourrait donc s’arrêter là et c’est ce que font certains… mais je ne vous le conseille pas.

Premièrement, le Bofip est apparenté à une circulaire mais il n’en est pas une stricto sensu. Il est même un bulletin totalement à part dans la doctrine administrative française, le seul applicable à tous les administrés et à tous les revenus. Il n’est donc pas dépourvu de valeur juridique. Deuxièmement, corollaire du premier principe, s’il sera écarté en cas de contradiction avec une loi ou un décret, codifié ou non, ses instructions seront en revanche à prendre au sérieux lorsque la loi est muette. Or, c’est exactement le cas avec les crypto-monnaies dont la législation brille par son silence. Néanmoins, le Bofip, s’il est opposable à l’administration, ne l’est pas au contribuable, qui peut le contester devant le juge s’il le souhaite… au risque de se voir condamné lourdement si le juge suit la doctrine du Bofip ou (plutôt) ne comprend pas les cyrpto-monnaies. Troisièmement, s’opposer au fisc, c’est s’opposer à l’administration qui est, de très loin, la plus puissante de notre pays. En France, nous sommes réputés par nos grèves et notre fiscalité. Soyons-en fier, nous sommes un modèle pour les autres et d’aucuns envient l’efficacité chirurgicale de l’administration fiscale française ! Elle dispose de moyens colossaux, qui vont en augmentation pour contrer les fraudeurs et (un peu) les petits malins des cryptos. Son Bofip deviendra la norme si le fisc en décide ainsi… jusqu’à qu’une loi ne vienne lui clouer le bec.

Bref, ne vous amusez pas à frauder et déclarez vos plus-values. Encore faut-il savoir quoi déclarer et comment. Et là mes amis, nous passons aux choses sérieuses !

Qu’est-ce que le bitcoin au sens du Bofip ?

Avant tout, il convient de limiter cet article aux crypto-monnaies détenus par les particuliers lambda. En effet, si vous êtes à la tête d’une entreprise légale et déclarée spécialisée dans l’échange entre crypto-monnaies et devises traditionnelles, votre business model repose principalement sur les frais de transaction. L’imposition est donc identique à celle des gestionnaires de fonds. De véritables fiscalistes pourraient vous renseigner de manière plus complète. Ici, je m’intéresse aux particuliers… où tout est plus complexe.

Dans un document qui date du… 11 juillet 2014, le Bofip dresse en quelques lignes les principes qu’il applique aux crypto-monnaies. Attention, lisez attentivement ces lignes car elles sont la base de tout :

« Les gains tirés de la vente d’unités de compte virtuelles stockées sur un support électronique (notamment les « bitcoins »), lorsqu’ils sont occasionnels, sont soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC).

Si l’activité est exercée à titre habituel, elle relève du régime d’imposition des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Par ailleurs, les unités de compte virtuelles stockées sur un support électronique entrent dans l’assiette de l’impôt de solidarité (ISF) définie par l’article 885 E du code général des impôts (CGI) et doivent ainsi figurer dans la déclaration annuelle d’ISF des redevables qui en possèdent.

Les transmissions à titre gratuit d’unités de compte virtuelles stockées sur un support électronique sont également, en vertu des dispositions de l’article 750 ter du CGI, soumises aux droits de mutation à titre gratuit, sous réserve de l’application de conventions internationales ».

Le document cite ensuite 4 autres notes du Bofip. On n’en retiendra qu’une que je citerai dans quelques lignes.

Que retenir de manière primitive sur ces informations ? Tout d’abord, écartons le cas des transmissions à titre gratuit, beaucoup trop complexe, relatives aux successions et ne concernant pas grand monde.

On retient alors que les « gains tirés de la vente » de crypto-monnaies sont soumis aux BNC ou au BIC, selon que l’activité soit habituelle ou occasionnelle. Les crypto-monnaies faisant dodo sur vos « supports électroniques » sont soumises à l’ISF. Tiens, je vais d’ailleurs commencer par ce dernier point !

Quid de la taxation des bitcoins et crypto-monnaies stockés sur un support électronique ? de la taxation des gains latents sur les plateformes d’échange et les e-wallets ?

L’une des plus grandes incompréhensions régnant dans la fiscalité des crypto-monnaies est celle relative à la taxation des « gains latents ». Le gain latent peut être défini comme la plus-value réalisée par l’échange de vos crypto-monnaies avec une devise traditionnelle après que lesdites crypto-monnaies ait pris de la valeur par rapport à la devise traditionnelle visée. C’est pas clair ? Voici un exemple.

J’achète 1 BTC pour 1000 €, je le revends 2000 €, ma plus-value est de 1000 € et je la laisse sur ma plateforme d’échange ou je la stocke sur mon Ledger. Vous réalisez alors une plus-value réelle mais latente, c’est-à-dire non disponible pour vos biens courants. En effet, vous pouvez toujours essayer de payer au supermarché avec votre Ledger, votre Mycelium ou votre compte Kraken, vous devriez rencontrer une difficulté : le refus de la caissière. En d’autres termes, cette plus-value n’est pas un revenu disponible et elle n’est donc pas un gain. Surtout, vous pouvez l’échanger à nouveau avec des crypto-monnaies dont la valeur a, cette fois-ci, baissé… et revenir à la case départ !

Or, vous avez sûrement dû lire exactement le contraire, parfois de la part de certains avocats fiscalistes, même si ces derniers jouent, je suppose, la prudence. Si vous appliquez cette règle, il serait alors possible de déclarer des plus-values latentes car vendues sur Kraken… sauf que vous aurez racheté des crypto en 2018 et que les pertes se sont accumulé. Il est donc possible, en appliquant cette théorie de la taxation des biens latents, de vous retrouver avec un impôt représentant plus que la plus-value réelle, la plus-value initiale ayant été perdue dans l’achat de crypto-monnaies en 2018 ! L’exemple est un peu compliqué mais je pense que vous voyez où je veux en venir.

En outre, même le Bofip ne prévoit pas une quelconque taxation de ces gains latents. En effet, il distingue les gains tirés de la vente (j’y reviens) et le stockage. Or, ce dernier, s’il est taxable, ne l’est qu’au titre de l’ISF en citant un article du CGI. En cliquant sur cet article, vous remarquerez qu’il a été abrogé… Eh oui, l’ISF n’existe plus et son remplaçant IFI ne concerne que les biens immeubles. En conclusion, les crypto-monnaies, qui ne sont pas des biens immeubles, simplement stockées sur un « support électronique », ne sont soumises à aucune taxation et ceci est issu du Bofip.

Enfin, j’ai lu qu’une plateforme d’échange devait être considérée comme un compte bancaire à l’étranger (ou un produit financier) à déclarer au fisc. Or, une plateforme d’échange n’est pas un compte bancaire ou un produit financier dont la définition est assez stricte. Une plateforme d’échange n’étant encadrée par aucune autorité, elle n’a pas à être déclarée. Pour rappel, le fisc français exclut l’imposition des comptes Paypal en-deçà de 10 000 € d’encaissements annuels. Si vous voulez néanmoins le déclarer, appliquez la jurisprudence Paypal. En outre, à ce jour, le fisc n’a aucun moyen de contrôler les plateformes d’échange. Mais connaissez-vous la rétroactivité ? La loi permet en effet à l’administration fiscale de contrôler plusieurs années après les faits, jusqu’à 10 ans en cas de fraude. Or, si les plateformes se voient imposer l’échange d’informations avec les autorités au cours de ces 10 prochaines années, ne comptez pas sur la gentillesse du fisc en cas de fraude avérée…

Pour renforcer cette acception, voici ce que dit le site service-public.fr lorsqu’il évoque les moyens de paiement en ligne : « Certains sites marchands acceptent les paiements en monnaie virtuelle. Par exemple, le Bitcoin. Elle fonctionne comme une monnaie étrangère avec un cours qui évolue par rapport à l’euro. Ce type de monnaie n’est pas encadré par les autorités. Son utilisation relève de la seule responsabilité du client ». En gros, circulez, il n’y a rien à voir. Il est d’ailleurs très étonnant de déclarer la plus-value d’une valeur qui « relève de la seule responsabilité du client ». A ma connaissance, c’est la seule. Bref, passons…

Mais alors, que doit-on déclarer ?

L’imposition des gains tirés de la vente de crypto-monnaies

Il n’existe aucune jurisprudence, aucune interprétation commune d’une doctrine fiscale qui n’est donc pas établie. Il faut donc revenir à quelque chose de simple et basique comme dirait Orelsan : la langue française.

Selon le Larousse, un gain est un « bénéfice financier, une somme d’argent que l’on gagne ». Posez-vous donc la question : qu’est-ce qu’une somme d’argent que je gagne ? A priori, vous allez penser à votre salaire, votre allocations, vos primes, vos plus-values boursières (vendues), vos revenus fonciers… en gros, tout ce qui arrive sur votre compte bancaire. Pour être complet, cette note du Bofip parle de taxation des « produits tirés de cette activité »… sans définir le terme produit qui peut vouloir dire tout et n’importe quoi. Reprenez mon exemple ci-dessus : imaginez si vous deviez déclarer vos plus-values latentes perdues l’année suivante après rachat en raison de l’effondrement de la valeur des crypto-monnaies !

La déclaration des plus-values en crypto-monnaies ne concernent donc que les plus-values réalisées ET rapatriées sur un compte bancaire, autrement dit vos revenus disponibles et utilisables. Néanmoins, vos plus-values sont toutes les plus-values : l’échange entre crypto et monnaies traditionnelles, l’échange entre deux crypto, etc. L’échange entre un BTC et un ETH n’échappe donc pas à l’impôt une fois la plus-value rapatriée sur un compte bancaire.

Si une personne vous transmet des cryptos pour vous payer un bien ou autre, on revient au stockage sur un support électronique, qui n’est plus taxé depuis la suppression de l’ISF.

Maintenant se pose la question de la catégorie d’imposition…

L’imposition en BIC ou BNC

L’une des hérésies du Bofip est de déclarer les plus-values des crypto-monnaies comme des Bénéfices Non Commerciaux (BNC) ou des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC). La raison réelle est totalement inconnue mais elle peut se supposer. Première raison, objective, l’administration fiscale, en 2013/2014, n’avait probablement pas connaissance de la réalité des crypto-monnaies et encore moins de son impact futur. Elle les a donc classées dans une catégorie un peu fourre-tout. Deuxième raison, subjective, le fisc connaissait l’impact futur des crypto-monnaies et a donc choisi la catégorie où il pouvait récupérer le plus d’argent possible ! Ces deux raisons sont à fait plausibles voire complémentaires.

Pourquoi ce choix du BNC/BIC est un problème ? Déclarer ses revenus dans l’une de ces deux cases signifie que vous exercez une activité, à temps plein comme à temps (très) partiel. Or, posséder des crypto-monnaies ne semble pas relever d’une activité en tant que tel. D’ailleurs, la possession d’un porte-feuille d’actions est rattachée à la catégorie des plus-values mobilières, qui ne supposent pas une activité… En outre, dans le cadre des crypto-monnaies, la distinction entre BIC/BNC relève de l’activité exercée à titre habituel (BIC) et de l’activité exercée à titre occasionnel (BNC). Là encore, aucune définition de l’activité habituelle ou occasionnelle n’est donnée par le Bofip, il faut que le contribuable la définisse seul, en son âme et conscience ! Le seul exemple donné par le Bofip est l’activité de minage qui relève du BIC. Donc, si je simplifie dangereusement, si vous ne minez pas, vous déclarez vos plus-values en BNC. N’essayez pas de chercher à compliquer plus que cela.

Le BNC selon le Code général des impôts

L’alinéa premier de l’article 92 du CGI dispose que « sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus« . La dernière partie de la phrase est très ambiguë, sans doute volontairement pour inclure tout et n’importe quoi. L’alinéa 2, incluant le § 1 précité, se borne à citer des exemples de ce que serait un bénéfice non commercial, exemples tous assez éloignés des crypto-monnaies. Deux remarques s’imposent.

La première, l’emploi, dans l’alinéa 2, de l’adverbe notamment permet d’estimer que la liste d’exemples n’est pas complète. Sauf que, aujourd’hui, ni la loi, ni le pouvoir réglementaire, ni la jurisprudence, n’ont rattaché le bitcoin et les crypto-monnaies aux BNC. Il ne convient pas de jouer avec le fisc, qui est plus fort que vous, mais force est de constater que la justification de rattacher les crypto-monnaies aux BNC est bien mince.

La seconde est que cette dernière partie de l’article 1er, volontairement vague, signifie que vous devriez déclarer TOUS vos revenus « annexes » dans la case BNC. Vos ventes sur Leboncoin, votre voiture louée 2 fois dans l’année sur Drivy, vos covoiturages sur Blablacar, vos petits baby-sittings, etc. Des sommes le plus souvent ridicules, qui dépassent rarement les 1000 € sur l’année, pour l’écrasante majorité de la population. Bercy estime que certaines de ces activités sont imposables, tandis que d’autres non. Voyez par exemple la fiche pour un covoitureur, celui-ci doit respecter 3 conditions pour voir son activité non imposée. Surtout, les ventes de biens, hors ceux dont la valeur excède 5000 €, ne sont pas imposables ! Ainsi, comme la crypto-monnaie est à ce jour un « rien du tout » juridique, on pourrait très bien considérer que celle-ci est un bien que l’on vend contre des euros… mais on sortirait du cadre du BNC car ce dernier n’englobe pas les biens ! Bon, je vous embrouille avec mes interprétations multiples mais cela prouve que le sujet est ô combien complexe !

Quant aux BIC, l’article 34 du CGI dispose que « sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l’application de l’impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l’exercice d’une profession commerciale, industrielle ou artisanale« . C’est donc assez clair : si vous êtes mineur, vous exercez une profession !

Quelle somme déclarer au fisc ?

La somme à déclarer est la plus-value dépend donc, d’une part, de votre activité (minage ou non) et, d’autre part, du montant des plus-values pour savoir si vous relevez du régime micro ou non. Pour ce dernier, c’est simple, il ne faut pas dépasser 70 000 € annuels de plus-values.

Lorsque vous bénéficiez du régime micro, vous bénéficiez d’un abattement de 34 % pour le BNC et de 50 % pour le BIC. Le reste est imposé à hauteur de votre tranche marginale d’imposition de votre impôt sur le revenu. A titre d’exemple, pour le micro-BNC, vous avez gagné, seul, 40 000 euros + 10 000 euros de plus-values en crypto-monnaies, vous déclarez 46 600 € : 40 000 + (10 000*0.66) = 40 000 + 6 600 = 46 600 imposés à 30 % (je ne compte pas les éventuels prélèvements sociaux de 17,2 %). Néanmoins, je vous demande de vérifier mes dires par vous-mêmes car je ne prétends pas avoir raison à 100 % sur ces questions d’abattements et de pourcentages d’imposition.

Pour les régimes non-micro, je passe mon chemin car l’imposition est trop complexe.

Quid des biens achetés en crypto-monnaies ?

Si vous dépensez vos bitcoins pour acheter un produit quelconque , que se passe-t-il ? Un arrêt de la CJUE du 22 octobre 2015 estime que la crypto-monnaie est un moyen de paiement alternatif. On pourrait donc penser que tout achat effectué en bitcoin auprès d’un commerçant les acceptant ne devrait pas faire l’objet d’une taxation au titre de l’impôt sur le revenu.

Sauf que, le Bofip, dans la note relative aux BNC, précise que « les gains sont imposables, quelle que soit la nature des biens ou valeurs contre lesquels les bitcoins sont échangés (échange des bitcoins contre des euros, mais aussi achats de biens de toute nature réglés par des bitcoins : dans ce cas, le gain doit être déterminé par référence à la valeur en euros du bien acquis)« .

Par exemple, vous échangez des euros contre des bitcoins au moment où le bitcoin valait 10 €, disons 3 bitcoins pour 30 € de valeur. Quelques semaines plus tard, la valeur du bitcoin est passée à 100 €. Le même jour, vous achetez un bien pour 2 bitcoins sur internet. Il vous reste toujours 1 bitcoin et une belle plus-value. Selon le Bofip vous devez déclarer la plus-value. Cette règle serait tirée d’une interprétation de l’article 92 du CGI précité  Mais cette note du BOFIP est contestable aussi bien juridiquement que techniquement.

Juridiquement, il faudrait appliquer cette règle à l’ensemble de l’échange de devises. Ainsi, vous échangez 100 euros contre des dollars au moment où 1 euro vaut 1 dollar. Vous vous retrouvez donc avec 100 dollars. Quelques mois plus tard, patatras, l’euro s’est effondré face au dollar et vos 100 dollars valent désormais 200 euros. Vous échangez auprès du même bureau de change et vous vous retrouvez avec les 200 euros. Êtes-vous imposé sur cette plus-value ? Si vous n’avez pas un compte en devise ou que vous n’êtes pas un opérateur de trading, non. Pourquoi le bitcoin serait-il soumis à un autre traitement ?

Enfin, la détermination du gain « par référence à la valeur en euros du bien acquis » mérite d’être précisée car c’est loin d’être limpide.

Techniquement, la situation peut paraître impossible. Imaginez que vous ayez acquis des bitcoins en plusieurs fois. Vous avez échangé 100, 50, 80 et 70 euros en bitcoins. Au vu de la volatilité de la crypto-monnaie, il est impossible que le taux de change soit resté stable ! Si vous achetez ultérieurement un bien en bitcoins, comment calculer la plus-value ? De quelle date faut-il partir ? L’administration fiscale ne fournit aucune réponse. Et, entre nous, ce serait un casse-tête monumental ! Ceux qui vous disent que le calcul, via la moyenne pondérée, pourrait être assimilé à celui des actions ont tort car les crypto-monnaies ne sont pas, selon le Bofip, des actions. On ne résonne par analogie en matière de droit fiscal.

En conclusion, selon mon analyse et en raison du vide juridique actuel, l’achat de produits légaux sur des sites internet légaux ou auprès de commerçants légaux en payant avec ses bitcoins, peut difficilement être imposé. La CJUE, l’article 92 du CGI et la législation relative aux autres devises sont plutôt de votre côté.

Par ailleurs, si vous laissez dormir vos bitcoins sur un wallet comme Ledger ou une appli telle que MyCelium, vous ne serez bien entendu pas imposé… et c’est peut-être la décision la plus sage.<

Conclusion

Mon conseil est clair : DECLAREZ VOS PLUS-VALUES ! Le but n’est pas de frauder et vous seriez de toute façon rattrapé si vos plus-values sont importantes. Il ne faut jamais se mettre le fisc à dos. Mon intention est plutôt de mettre le doigt sur une difficulté juridique, bien plus complexe que certains auteurs et « experts » du sujet le laissent entendre. Il est donc nécessaire que l’administration fiscale et même le législateur se penchent sur le sujet pour créer une catégorie à part : l’imposition des plus-values au titre de la vente de crypto-monnaies. Car ces dernières ne sont ni un chiffre d’affaire, ni un BNC, ni un BIC.

Dans les impositions existantes, le plus logique serait de rattacher les crypto-monnaies aux plus-values mobilières. En effet, les achats/ventes d’actions sont des transactions assez similaires aux achats/ventes de crypto-monnaies. Il n’y aurait pas grand monde pour remettre en cause l’imposition des crypto-monnaies et peu de difficultés pour déclarer.

Mais le mieux serait, selon moi, de créer une nouvelle catégorie d’imposition : plus-values des crypto-actifs. Cette expression est appréciée par les autorités françaises ces derniers temps ! Cette nouvelle catégorie aurait une imposition différente, soumise ou non au PFU et se verrait non confiscatoire mais juste.

D’une manière plus générale, la France serait inspirée de créer un territoire attractif pour le monde des crypto-monnaies et de la blockchain. L’Europe a raté le train de l’internet, qu’elle a pourtant inventé, et du smartphone. Il serait bon que celui de la blockchain s’arrête à quai et le gouvernement français semble avoir compris les enjeux. Reste désormais à agir, la fiscalité n’étant qu’une branche de l’arbre.

Source : bitcoin-blockchain.fr